L’avènement de l’ère de la mémoire, accompagnée depuis plus de trente ans par une vaste production en sciences sociales consacrée à l’analyse des mémoires collectives dans les sociétés occidentales, a vu l’émergence depuis les années 1980 de la notion de « lieux de mémoire » et sa diffusion à travers l’Europe, soulevant la question d’une possible transposition à l’échelle européenne, alors même que, de la chute du mur de Berlin à l’élargissement de l’Union européenne, cette échelle semble désormais s’imposer pour analyser tant les concurrences que les circulations transnationales des mémoires. Dans un effort pour recontextualiser les réflexions ayant conduit à la publication de l’ouvrage collectif Europa. Notre histoire en 2017 – parmi d’autres entreprises similaires –, l’objet du présent article est de revenir sur les enjeux, heuristiques, méthodologiques, et in fine politiques, d’une telle « européanisation ». Pointant les affinités heuristiques avec la recherche sur les transferts culturels et l’histoire croisée, insistant sur la nécessaire attention aux jeux d’échelles et au défi de la « provincialisation » de l’Europe, il présente une généalogie des recherches sur les lieux de mémoire en Europe et l’architecture générale d’une approche de l’histoire européenne par la catégorie des mémoires.