La réception du livre de Jean Chesneaux (Du passé faisons table rase ?) par les historiens français débouche sur le heurt de deux manières de pratiquer l’histoire du mouvement ouvrier. L’une, académique, oppose à l’autre sa radicalité, son engagement. Celui-ci participerait d’un vandalisme épistémologique. Revenir sur cette polémique restitue une part du paysage intellectuel de l’histoire dans la décennie 1970.
Les lettres de Marguerite et Jean-Richard Bloch font partie d’un fonds très important de correspondances qui éclairent la vie intellectuelle de la France du début du siècle à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Réunies dans un grand cahier avec d'autres témoignages du voyage, puis cachées pendant la Seconde Guerre mondiale, elles ont été déposées à la Bibliothèque nationale de France au début des années 1990. Adressées à un cercle d’intimes lors de l’été et l’automne 1934, elle témoigne de la première découverte du monde soviétique d’un intellectuel de gauche. Les époux Bloch ont en effet été invités en URSS pour le premier Congrès des écrivains soviétiques en compagnie des couples Aragon, Malraux et Nizan et de Vladimir Pozner. En septembre, après le Congrès, les Bloch assistèrent aussi au Festival de théâtre de Moscou, puis partirent en voyage pour le Caucase (Géorgie, Arménie, Azerbaïdjan). Ce sont les conditions de cette « découverte » que documente cette archive liée à l'historiographie des voyages dans le monde communiste. Les lettres permettent aussi de questionner les processus d'adhésion au système soviétique. Elles offrent enfin un éclairage passionnant sur cet été 1934 à Moscou, sur les rapports entre intellectuels soviétiques et occidentaux et sur les Républiques soviétiques du Caucase alors en plein bouleversement.
Nous avons coutume de commencer cet exercice pour les universitaires par une question sur le milieu d’origine comme matrice ou non d’un choix professionnel, disciplinaire.
Je suis fils d’instituteurs, issu donc d’un milieu très éloigné du monde du droit. Ayant passé mon enfance à Cherbourg, ville sans présence juridique particulière, où l’on ne note guère que l’existence d’un tribunal, aucune stimulation ne me conduisait à choisir des études de droit. Votre question me ramène bien loin en arrière et m’invite à une introspection dangereuse, à une rétrospection subjective, au risque de l’exhibition ou du narcissisme. Jeune universitaire, on parle des sujets de fond. Plus mûr, des sujets de fond par rapport à soi, et enfin on ne parle plus que de soi. C’est un plaisir vénéneux dont il ne faut pas abuser. Je me rends compte que, au fond, je n’ai jamais fait que ce que je choisissais de faire, avec le plaisir pour principe, et la condition du plaisir c’est la liberté. Si donc j’ai choisi des études de droit après le bac, c’est parce qu’en elles-mêmes elles ne m’intéressaient pas, ce qui me permettait de conserver toute la distance nécessaire à ma liberté d’esprit.