L’historiographie russo-soviétique de la Grande Guerre s’est surtout traduite dans des mémoires et des publications de documents – et (...)
L’historiographie russo-soviétique de la Grande Guerre s’est surtout traduite dans des mémoires et des publications de documents – et beaucoup reste encore à écrire : les archives russes conservent un massif documentaire impressionnant, encore sous-utilisé et mal connu par les historiens russes qui bénéficient pourtant d’un accès privilégié aux sources. Depuis que ce conflit s’est embrasé, sa lecture a suivi une voie propre, mais a aussi coïncidé à certaines époques avec les tendances observables à l’échelle européenne, comme le pic de la vague pacifiste à la fin des années 1920. La prépondérance de l’histoire militaire, de l’appréciation des humeurs populaires et de la bienfaisance brossent un tableau assez figé de l’évènement et des phénomènes sociaux et économiques qui lui sont associés. Même en comptant avec les études occidentales sur le sujet, on ne peut que constater l’insuffisant apport des connaissances sur ce front singulier à la compréhension d’ensemble de la Première Guerre mondiale, et la faiblesse de l’innovation méthodologique. Cela tient sans doute à la rareté des travaux russes aujourd’hui, soviétiques hier, sur l’histoire générale du conflit, exception faite des enjeux liés aux relations diplomatiques. Les historiens de cette nation ont redécouvert le front russe, pas le sens de cette guerre pour le XXe siècle au-delà de la question cruciale de la révolution.
Mots clés : Russie/URSS ; Première Guerre mondiale ; historiographie ; sources.
The Russo-Soviet historiography about First World War mainly consists in published souvenirs and raw documents: therefore a lot still has to be discovered and written about this conflict. The Russian archives hold an impressive bulk of primary sources that are underused and poorly known even by Russian historians with a privileged access to them. Since the war started, its Russian interpretation went a peculiar way, but also at times coincided with pan-European trends such as the pacifist climax at the end of the 1920s. The preponderance of military history and the insistence on studying public moods or elite philanthropy draw a rather immobile picture of the related socioeconomic phenomena. Even if we take in account the Western historiography, we have to admit that our knowledge about this particular front insufficiently contributed to our comprehension of the Great War as a whole. The scarcity of Soviet and Russian general history of this war (except for diplomatic relations) no doubt plays a role. The Russian historians rediscovered the Russian front, not the meaning of this war for the XXth century beyond the (crucial) question of the revolution.
Key words : Russia/USSR ; First World War ; historiography ; sources.
En 1931, Winston Churchill écrivait, à propos de la guerre sur le front Est, qu’elle était inconnue [1] : elle le reste en bonne partie, indéterminée qu’elle a longtemps été du point de vue de sa définition, de sa temporalité et de sa spatialité. Dans l’espace russo-soviétique, ce conflit a connu diverses dénominations signalant à la fois ses interprétations successives et les hésitations sur sa nature. En 1914, il était ainsi d’usage de le désigner comme Seconde Guerre patriotique – adjectif réservé depuis 1941 à
En introduction à son ouvrage de 2010, M. V. Os’kin juge que « le front Est (russe) n’a pas été le principal front pendant
La perception de
De manière récurrente, les historiens soviétiques ont été priés de s’attacher à l’entrée en guerre et à la paix séparée de Brest-Litovsk ; et, on l’imagine, de prouver le rôle crucial du parti bolchevique dans les fraternisations et les désertions sur le front, préludes à la double victoire d’Octobre et de 1920. La thèse classique énonce ainsi que la Russie a été poussée par l’impérialisme (soit autochtone et autocratique, soit sous influence étrangère) à se lancer dans un conflit dont elle ne pouvait sortir que vaincue. Quant à la paix signée le 3 mars 1918 en sacrifiant les confins occidentaux du territoire impérial, elle constituait le préalable à la victoire de la cause révolutionnaire et une franche rupture avec les intérêts impérialistes de l’Entente. Dans le détail, les progrès de l’analyse historique de
Comme dans les autres puissances belligérantes, la « Grande Guerre européenne » a été perçue d’emblée comme un tournant de l’histoire de l’humanité et de chaque nation en particulier. Cette conscience peut-être trop aiguisée par les tensions sociales et diplomatiques de l’époque a alimenté dès le déclenchement des hostilités la volonté de façonner une histoire du conflit qui en établirait le sens profond. Dans cette première époque comme dans celles qui se succèdent jusqu’à nos jours,
La seconde phase de développement des études sur le conflit, entre les deux guerres mondiales, est marquée par le débat politique autour de l’analyse de la série évènementielle « 1914-1918 ». Cette lutte entre (pro-)Rouges et (pro-)Blancs par productions scientifiques et culturelles interposées, impliquant acteurs et témoins plutôt qu’historiens, représente une étape indispensable d’accumulation de données, mais crée aussi des paradigmes interprétatifs qui pèsent encore au XXIe siècle. Le traumatisme et le triomphe associés à
Pour de nombreux Européens, le déclenchement d’une guerre d’ampleur continentale ne faisait plus de doute dès le début des années 1910. Quand la crise austro-serbe de juillet 1914 débouche sur la mobilisation générale russe et la déclaration de guerre de l’Allemagne, et provoque en chaîne celles de la France et de la Grande-Bretagne, le soulagement se mêle à la certitude qu’il y aura un avant et un après 1914. En Russie, des penseurs comme Sergueï Boulgakov ou des intellectuels comme Leonid Andreev expriment l’idée d’un bouleversement sans retour possible à l’ordre ancien, décisif pour le progrès de l’humanité (équilibre entre « peuples » européens) et de la société russe (cohésion nationale) [4] . Plusieurs discours élaborent ainsi une première grille de lecture du conflit en cours, avec la conviction que l’Histoire est en train de s’écrire. Si aucun historien professionnel ne se charge alors de l’étude de la guerre – faute de sources disponibles, de recul, de conditions idoines d’écriture – un premier récit, originel, se structure entre 1914 et 1918. Il tente de donner un sens aux informations éparses et contradictoires qui parviennent du front par la presse, les lettres de soldats et les témoignages.
La guerre ne crée pas ex nihilo de nouveaux médias, elle en accroît juste le nombre et
Il en va ainsi du capitaine Ivanenko, dont la brochure de 58 pages Sur la signification de la guerre en cours et le devoir de la mener jusqu’à son issue victorieuse mêle analyse historique (relations diplomatiques), considérations morales et millénarisme panslave [7] . Un décret militaire du 28 juillet 1915 fait de cette « conversation avec les simples soldats » le manuel obligatoire de toutes les écoles militaires. Ce commandant d’une compagnie de l’école militaire de Kazan rejette toute la faute du déclenchement de la guerre sur les Allemands qui ont empêché le règlement pacifique du désaccord avec les Autrichiens, et sur Guillaume II qui a refusé de répondre au télégramme conciliant envoyé par son cousin Nicolas II le 29 juillet 1914. Ces facteurs immédiats, argumente-t-il ensuite, découlent en réalité de causes profondes : le rêve impérialiste germanique en Europe orientale (au détriment de la Russie) et outremer (au détriment des Britanniques). Pour éviter l’esclavage, c’est « un devoir devant nos descendants » que de se battre et de vaincre, et le peuple le doit au tsar et à
La guerre apparaît dans la plupart de ces publications comme une chance historique pour
Pour capter une vision contemporaine de
Les civils de l’arrière ne peuvent saisir le sens de la guerre en visitant ce type de musée, et les expositions régulières suscitent leur curiosité sans étancher leur soif de compréhension. Or ils se trouvent bombardés d’images plus ou moins réalistes, de témoignages plus ou moins censurés, et de rapports incessants sur les « atrocités » de l’ennemi. Aux portraits policés des aristocrates engagés dans le conflit des Annales de la guerre et à l’exposition rationnelle de l’effort de guerre par
L’activité des polémistes se traduit par une abondance éditoriale qui culmine en 1917, traduisant une démocratisation sans précédent du dialogue entre classes et la quête d’une cohésion sociale inédite à travers le récit national. Le patriotisme se transforme radicalement avec la révolution antimonarchique de Février 1917, mais la guerre en demeure le lieu d’expression primordial. Seulement, l’enthousiasme ou l’optimisme de 1914 ont cédé la place à un pessimisme de plus en plus étendu : à mesure que se développent les discours sur le sens de la guerre en cours se détériore ainsi la croyance en une issue positive et non violente. Les visions de
La condamnation par le nouveau régime d’un conflit privé de sens car « impérialiste » profite de ce contexte sans le contenir complètement. L’accent placé sur l’année 1917 dans la perception de la série événementielle « 1914-1918 » induit une téléologie antagoniste axée moins sur les responsabilités, comme en Occident, que sur les conséquences. L’histoire de
Dans l’ensemble, la masse des combattants engagés dans le conflit (15 millions de mobilisés) se voit dépossédée du discours sur les épreuves endurées. En Union soviétique, les associations d’anciens combattants formées pendant la guerre (en 1917) se sont éparpillées ou ont été dissoutes selon un processus encore mal connu [16] . À l’étranger, la revendication d’une expérience de guerre ne trouve guère sa place dans les anciens territoires impériaux devenus indépendants (Pologne, pays Baltes ou Finlande) [17] , ou se voit monopolisée par les hauts responsables politiques et militaires en exil. La guerre civile qui succède à
En Union soviétique, un historien marxiste (dès avant 1917) se détache par le nombre et la qualité de ses analyses de
Ses neufs textes de 1924 livrent l’essentiel des résultats et du positionnement de l’école historique marxiste soviétique sur
La science historique soviétique s’applique surtout à réinterpréter les années précédant la révolution d’Octobre à la lumière de celle-ci et insiste sur le contexte international. Souviens-toi de la guerre (1924) fait la part belle aux citations de Lénine ou de Zinoviev, ainsi qu’à des extraits du Feu de Barbusse et de The Spirit of War de Gibbs [20] . Des textes des mêmes penseurs bolcheviks, ainsi que de Clara Zetkin et de Rosa Luxembourg introduisent Le Dixième anniversaire de la guerre mondiale, un recueil composé par la gauche du Parti. L’économiste E. Varga analyse les causes économiques de la guerre et son coût pour la nation, l’historien Pokrovskij revient sur la préparation de la guerre par l’empire et le théoricien marxiste August Talheimer expose les facteurs de la défaite allemande. La dernière partie offre des articles de spécialistes d’histoire militaire sur l’emploi des différentes armes dans la guerre [21] . Il s’agit de fait du principal regard expert sur le conflit passé – à l’exception du champ médical, dont les travaux de la Commission sur les conséquences sanitaires de la guerre mondiale représentent un écho intéressant [22] .
Le conflit mondial connaît d’autres éclairages moins scientifiques qui l’inscrivent aussi dans le champ public. Boris S. Kandidov, l’un des fondateurs du Musée antireligieux de Moscou, publie en 1929 deux brochures sur l’Église (principalement orthodoxe, mais pas uniquement) dans la guerre [23] , qui appartiennent à une série sur le rôle d’oppresseur de cette institution aux côtés de la monarchie, de la bourgeoisie (en 1917), des étrangers et des Blancs (pendant la guerre civile). Sur la foi de certains documents habilement sélectionnés, il instruit un procès à charge en pleine campagne de violence anticléricale, qui laisse peu de place à l’analyse critique des sources. La seconde partie des années 1920 voit aussi apparaître une littérature de guerre importée (À l’Ouest rien de nouveau remporte un succès considérable) et autochtone [24] . Un ouvrage est très débattu à l’époque : les témoignages recueillis par Sofia Fedorčenko qui a servi comme infirmière de guerre [25] . Acclamée en 1923 par Gorki et vendue par dizaines de milliers, cette compilation est d’abord attaquée par les ethnographes qui ne retrouvent pas la langue des simples soldats, puis qualifiée de falsification par le poète prolétarien Demian Bednyj en 1928. Fedorčenko a d’ailleurs avoué à demi-mot avoir voulu écrire la vérité de la guerre au travers de récits de soldats, point de vue le plus à même de retranscrire ses impressions. Quoique sans doute plus proche de l’exercice littéraire, sa vision très noire de la guerre a marqué l’opinion russe. À l’époque, l’onde de pacifisme qui séduit les foules en Occident atteint l’Union soviétique où le parti communiste s’en empare comme outil de propagande internationaliste.
Les esprits se tournent ensuite vers la guerre à venir. En 1934, le Bulletin pour le vingtième anniversaire de la guerre mondiale impérialiste fait le bilan humain et financier de la guerre, et rejette le pacifisme de la décennie précédente, qualifié de « mensonge d’intellectuel devant le peuple [26] ». Les spécialistes sollicités sont des militaires de carrière, fils de généraux ayant exercé de hautes fonctions en 1914-1918 et restés au service du nouveau régime. Le général Aleksandr Andreevič Svečin (1878-1938), passé du côté bolchevique dès mars 1918 et nommé chef de l’état-major rouge, puis enseignant de stratégie à l’Académie militaire, dirige la publication de périodiques sur le sujet. Aleksandr Nikolaevič De Lazari (1880-1942), ancien colonel, se spécialise après-guerre dans l’étude des armes chimiques [27] . Il livre en 1928, puis en 1934, un atlas de la guerre mondiale abordant tous les théâtres de la guerre, France comme Pologne [28] . Significativement, l’ouvrage ne se clôt pas par la paix infâmante de Brest-Litovsk, passée sous silence, mais par la carte « Transformation de la guerre impérialiste en guerre civile ». Si l’on laisse de côté les conclusions d’ordre purement tactique et stratégique, l’apport historique et politique de ces études militaires réside dans deux innovations censées éviter à l’Armée rouge l’échec tsariste : la mobilisation idéologique (les soldats de l’armée impériale ne savaient pas pourquoi ils se battaient) et la militarisation de la population, c’est-à-dire la préparation physique et l’apprentissage du maniement des armes [29] .
En dépit de la théorie marxiste qui fait des forces socioéconomiques le principal moteur de l’Histoire (par leur affrontement), la première génération des historiens soviétiques, en pleine formation, a donc peu analysé pour elles-mêmes les conditions sociales du temps de guerre, au front ou à l’arrière. Cette approche prônée à l’époque en France par l’école des Annales naissante, peine toujours à se faire une place dans l’historiographie russe. Ce qui demeure un point fort de cette dernière, l’édition de sources, connaît logiquement un premier essor dans les années 1920. La revue des archives centrales fondée par Pokrovskij, Krasnyj Arhiv, prend soin de publier non seulement les documents diplomatiques compromettant l’ancien régime, mais des lettres de soldats et des rapports sur l’état d’esprit de
C’est également l’issue révolutionnaire de 1917 que les émigrés russes Blancs ont à l’esprit quand ils produisent des histoires de la guerre récemment achevée [31] . Cette Russie en exil s’est constituée dans plusieurs pays européens en plusieurs vagues au profil sociologique différent [32] . Si Berlin et la Pologne accueillent une très grande masse de réfugiés arrivés par voie de terre, la France voit affluer par bateau les derniers combattants défaits de la guerre civile. À Paris se concentrent nombre d’anciens officiers de l’armée impériale, les principaux diplomates, un grand nombre d’artistes. L’émigration russe s’enrichit brusquement en 1922 des intellectuels expulsés de force sur ordre de Lénine [33] . Ayant perdu tout ou presque, militaires, artistes et hommes politiques prennent la plume pour tenter d’expliquer ou de justifier le retournement historique dont ils ont été victimes. Ces études souvent longues proposées par les plus hauts responsables – Pavel Milioukov, Alexandre Kerenski, Anton Denikine – représentent autant de plaidoyers pro domo, assumés comme tels par leurs auteurs.
La question centrale, pour la Russie, est l’appartenance ou non à l’Europe. Le débat se développe dans les publications périodiques comme Arhiv russkoj revoljucii (I. Gessen, Berlin, 1921-1937), Istorik i sovremennik (I. Petruševskij, Berlin, 1922-1924) et Na čužoj storone (S. Mel’gunov, Berlin, Prague, 1923-1925). La révolution y est considérée comme un accident ayant perturbé le cours naturel et le progrès des dernières décennies du tsarisme – accident causé par
Les historiens en exil s’inscrivent dans un réseau culturel dense, vital pour une communauté qui ne veut pas perdre ses repères et qui entend montrer qu’une autre Russie perdure. La vie intellectuelle s’appuie ainsi sur la tenue de nombreuses conférences. Le recensement établi à partir des annonces placées dans la presse émigrée montre que, même aux dates anniversaires, le thème de
Les Russes émigrés, qui représentent une société à part au sein des sociétés d’accueil, et subissent un mélange de pitié et de rejet, doivent en permanence affronter la conviction que la Russie a trahi ses alliés en 1918 (opinion des conservateurs) ou que la Révolution de 1917 a apporté le progrès à une Russie arriérée et autocratique (opinion de la gauche). Ces deux thèses et la faiblesse des études slaves avant la guerre expliquent en bonne partie le silence des historiens français sur le cas russe. Les émigrés doivent donc défendre seuls leur cause contre les clichés – bohême de Montparnasse, aristocrates taxis, emprunts russes – et une ignorance généralisée sur ce pays, y compris de son engagement dans le conflit. « Le public français pendant la guerre n’était renseigné sur les évènements du front russe que par les brefs communiqués officiels qui ne lui donnaient jamais de tableau à peu près complet de la situation générale [35] . » Le très haut gradé auteur de ces lignes reconnaît les insuffisances de la propagande russe, et se montre conscient de la nécessité de sortir de l’entre-soi pour plaider la cause russe.
En France, deux officiers de haut rang se détachent par l’ampleur et la qualité de leurs analyses : Nikolaï Golovin (1875-1944) et Youri Danilov (1866-1937). Le premier, auteur d’ouvrages capitaux sur l’armée russe dans la guerre (en particulier en 1914) et de
« Ce livre représente avant tout un volume de mémoires. Il ne prétend pas au titre de travail historique et cela pour deux raisons. D’une part, j’ai été trop intimement mêlé personnellement aux évènements ; de l’autre, je n’avais pas à ma disposition, en écrivant, les sources qui doivent nécessairement servir de base à tout ouvrage historique. Néanmoins, j’ai consacré beaucoup de temps et d’efforts à documenter mon travail aussi solidement que possible. J’ai consulté de nombreuses pièces dans les archives existant à Paris ; j’ai soigneusement étudié la littérature, pauvre il est vrai, qui concerne la guerre sur le front russe ; j’ai aussi profité des renseignements qui m’ont été aimablement fournis ainsi que des récits de quelques personnes ayant participé aux évènements passés. »
À lire ces phrases, le lecteur saisit à la fois l’impératif qui pousse Danilov et ses semblables à rendre public leur récit, et la difficulté à dépasser le pur témoignage, qui peut être aisément taxé de subjectivité et de partialité – torts dont ils accusent justement leurs ennemis bolcheviques. On comprend que la principale et indispensable source de l’histoire du conflit et de la révolution demeure les souvenirs – qu’ils fassent l’objet de publication en bonne et due forme, ou servent de base à des écrits de nature fictionnelle. Dans ce dernier genre se détache ainsi Mark Aldanov (1886-1957). Après une première série de romans historiques consacrés à la Révolution française, l’écrivain s’attaque à la période 1914-1921 en Russie avec La Clef (1929), La Fuite (1932), et La Grotte (1934-1936) – une trilogie réservée à la communauté exilée puisque non traduite en français. La formation des émigrés qui se font historiens a pris place en plein essor du positivisme, d’où la volonté de rassembler toutes les sources disponibles pour les critiquer et établir les faits. Leur approche historienne privilégie avant tout le récit sur l’interprétation, cantonnée à des remarques de fin de paragraphe et des attaques ad hominem. Ils accordent aussi la priorité aux grands hommes et négligent souvent les groupes sociaux – l’armée n’en représente pas un à leurs yeux – ou les mouvements politiques.
L’histoire russe est donc présentée non comme un développement linéaire, mais comme une succession de ruptures profondes et radicales. Danilov adopte un point de vue original. Premièrement, il n’enquête pas sur les responsables de la désagrégation, question « oiseuse » à son avis : la durée de la guerre et de l’occupation ennemie ont pesé autant sur les soldats du front que sur la population de l’arrière : « Membres d’un même organisme, ils vivaient d’une même vie et étaient affectés par les mêmes émotions. Ce qui est certain pourtant, c’est que la propagande défaitiste et antigouvernementale est née à l’arrière [36] . » Dans cette analyse qui entend dédouaner le pouvoir militaire, Danilov refuse de considérer les mouvements révolutionnaires comme action politique mais reconnaît en creux la faiblesse des efforts de persuasion consentis par le pouvoir en place. Original encore, il n’accorde pas une ligne à Raspoutine, et se montre magnanime avec Kerenski, qui s’est beaucoup dépensé mais ne pouvait pas réussir – car selon lui personne ne le pouvait. Enfin, Danilov ne mentionne que rarement les bolcheviks, comme pour ne pas leur accorder un rôle historique trop important, comme s’ils n’étaient que les agents de forces plus profondes et de circonstances exceptionnelles.
La phrase finale de son ouvrage concentre l’essence de l’argumentaire des émigrés et vaut à ce titre d’être citée in extenso. Pour lui, la continuation de la guerre entrait pleinement dans les objectifs de la révolution de Février.
« Et ce n’est que la propagande empoisonnée des forces obscures surgies en Russie, cette propagande qui non étouffée au début contamina l’âme d’un peuple las de souffrir, ce n’est que cette gangrène qui fit lâcher les armes au guerrier russe à bout de forces après quatre ans d’une lutte inouïe… C’est ainsi que, par la force d’un destin implacable, il ne fut pas donné à la Russie de figurer dans les rangs des vainqueurs. La fin de la guerre la trouva mutilée et humiliée. Mais elle avait fait son devoir pour soutenir la cause commune de l’Entente. L’histoire impartiale ne saura oublier ni son rôle méritoire, ni le sacrifice qu’elle a fait des meilleurs de ses fils… »
Cette position de victime héroïque perdure pendant des années au sein de la communauté russe émigrée, en dépit des conflits de chapelle fratricides. La rhétorique classique du communisme comme maladie infectieuse s’accompagne de la revendication du temps historique et du symbolique, à défaut de la pleine possession du territoire national et de la maîtrise de l’actualité politique.
La réécriture de l’histoire du conflit est un enjeu fondamental pour le nouveau régime comme pour les soldats qu’il a chassés par les armes en 1920 et les intellectuels expulsés en 1922. Elle a vocation d’une part à consolider l’identité interne à chaque camp et d’autre part à servir d’argument à la reconnaissance diplomatique en tant que « vraie » Russie. Les épreuves de
La troisième phase de développement de l’historiographie russe sur
Les deux aspects militaire et mémoriel continuent de constituer l’essentiel des études jusqu’à la chute de l’URSS en 1991. On n’y publie plus de mémoires uniquement liés à
Les travaux sur
Avec cet horizon obligé et la référence contrainte aux textes de Lénine, les historiens ne sont pas en mesure d’offrir de vision globale ni de problématique rénovée. Exemplaire à ce titre,
Le 26 décembre 1991 disparaît l’Union soviétique et naissent quinze nouveaux États, dont au moins six dépositaires de l’engagement de l’empire russe dans
Plus encore que par le passé, le modèle étranger influence l’historiographie. Il ne s’agit plus seulement d’un simple contexte comme celui du pacifisme de la fin des années 1920. Alors que les spécialistes du front « Ouest » (c’est-à-dire du front français) multiplient colloques, articles et monographies, certains pionniers s’intéressent aux autres fronts – et notamment à celui de Russie. Pour n’en citer que quelques-uns, mentionnons Allen K. Wildman, Hubertus F. Jahn, Peter Gatrell, Vejas Liulevicius, Peter Holquist, Alon Rachamimov, Eric Lohr ou, plus récemment, Karen Petrone [46] . La nostalgie de l’époque tsariste qui fait aujourd’hui office de vision étatique du passé crée en outre des opportunités éditoriales d’autant plus profitables qu’elles concernent des œuvres souvent libres de droit. La « littérature de l’étranger » (zarubežnaja literatura), celle de la Russie émigrée autrefois interdite en URSS, débarque en force sur le marché. Chaque année paraissent des dizaines de mémoires inédits… en Russie, peuplant les rayonnages des librairies d’altesses et de généraux, de gouverneurs et de métropolites « d’avant » [47] .
Les historiens russes professionnels doivent inscrire leurs travaux dans un contexte à la fois favorable (goût très prononcé pour l’histoire impériale et militaire) et défavorable, puisque les clichés populaires se voient renforcés par ces témoignages issus d’une certaine société bien disparue, presque jamais précédés d’une préface ou accompagnés d’un appareil critique. Une rapide typologie fait ressortir cinq types de publications historiennes en Russie – outre les études ne portant qu’en partie sur ce conflit [48] . On relève en premier lieu de plus en plus de recueils de documents intégrant
En 1994, le quatre-vingtième anniversaire du conflit marque le début de la grande vague historiographique qui triomphe aujourd’hui en Occident et qui touche aussi
Le rythme des colloques s’accélère toutefois ces dernières années, notamment grâce aux efforts de l’Association russe des Historiens de
Pour la première fois, rares seront les facultés d’histoire à faire l’impasse sur ce qui est un tournant à la fois dans l’historiographie et dans le discours mémoriel officiel. Parmi de nombreux exemples, on peut citer la cité de Tsarskoié Selo, lieu de résidence des tsars où l’on a repris le projet de mémorial de
Le patriotisme constitue une donnée non négligeable dans l’appréhension par les historiens russes de leur passé. La plupart des ouvrages de synthèse qui peuplent les rayonnages des librairies, édités dans des collections populaires à faible coût, racontent à peu de choses près les mêmes choses. Assez généraux, ils traitent de tous les fronts et privilégient les opérations militaires, dans la tradition soviétique. Le plus représentatif de ce courant est sans doute M. V. Os’kin, qui déroule un plan chronologique sans grande surprise et ne prend pas la peine de mentionner les conflits sociaux du temps de guerre – comme si l’apogée révolutionnaire de 1917 et l’abondante bibliographie qui leur a été consacrée les privaient de toute valeur actuelle [56] . Ce sont les rares commentaires qui peuvent surprendre le lecteur occidental, mais répondent en fait à la demande du public. Os’kin utilise par exemple le terme « buržua », une insulte de 1917 [57] , pour reprocher à la classe possédante urbaine d’avoir entravé les efforts de l’armée. Il estime aussi que la propagande de l’opposition libérale et de droite a fait plus de ravages dans l’armée que celle des révolutionnaires et conclut : « Le poisson commence toujours à pourrir à partir de la tête. » En dépit d’un titre un tantinet dramatisant, La Tragédie oubliée, le travail le plus sérieux dans le genre reste celui d’Anatolij Utkin, bon lecteur des recherches occidentales récentes [58] . Affirmer, comme il le fait que « l’histoire contemporaine de la Russie a commencé en 1914 », et non en 1917 est un positionnement original qui doit moins à la volonté de capter l’attention du lecteur qu’à une réelle prise de conscience de l’importance historique de
De fait, le XXIe siècle contraste de ce point de vue avec le précédent. Depuis une dizaine d’années, une quinzaine de monographies ont abordé le conflit sous des angles inédits – par groupes sociaux (prisonniers, réfugiés, artistes), avec un accent économique ou culturel. On recense ainsi quatre monographies à l’échelle régionale ou même locale (la cité-forteresse de Grodno), consacrées plutôt à l’arrière [59] . Laissons de côté le cas spécial de la région sibérienne de Tomsk pour nous intéresser à deux projets dont l’intérêt se situe à deux extrêmes, bien qu’ils partagent la même tendance à l’accumulation des citations et des faits, et accordent une place trop faible à l’analyse critique. La monographie de Ekaterina Jur’evna Semenova sur les opinions des habitants du bassin de la Volga pendant la guerre se distingue par l’équilibre entre mobilisation des sources, réflexion sur provenance et usages, hypothèses sur la singularité d’un ensemble régional plutôt hétérogène et sur les possibilités d’une généralisation à l’ensemble de
Un même positivisme mal maîtrisé se signale dans les monographies thématiques, de façon poussée quand il s’agit d’étudier les artistes de Moscou et de Petrograd ou les processus d’assistance pendant le conflit [60] . La somme imposante d’Andrej Vladimirovič čertišev sur les partis politiques fourmille de détails et offre d’intéressantes analyses ponctuelles, mais l’abondance de faits et la longueur de citations très instructives (jusqu’à une page), combinées à une police lilliputienne, peuvent décourager le lecteur [61] . La plupart de ces ouvrages sont parus au sein de presses universitaires avec des tirages très limités qui rendent presque impossible leur acquisition et ne peuvent faire aucune concurrence aux ouvrages fautifs mais populaires décrits plus haut. La pénurie de moyens circonscrit aussi des recherches solides sur la lutte contre « l’invasion » économique allemande ou sur l’approvisionnement de l’armée à moins de 200 pages, alors qu’elles se signalent par une problématisation pertinente et l’insertion réussie dans le débat scientifique international [62] .
Nos collègues russes se révèlent souvent de formidables experts des fonds d’archives. Mais le système universitaire russe connaît une crise profonde sans aucune remise en cause de ses structures bureaucratiques, la recherche y dépend plus qu’ailleurs de financements très ponctuels souvent fournis par des institutions étrangères. Certains éprouvent toutefois de la peine à saisir que l’érudition, choix prudent à l’époque soviétique s’il était habillé de vulgate marxiste-léniniste, n’est pas le seul pilier de la discipline historique. La litanie des faits, des dates, des noms ou le choix judicieux de citations ne suffisent pas à composer un livre d’histoire ; le rejet en bloc de l’approche marxiste influe négativement sur les résultats présentés. En outre, la diversité des écoles historiques occidentales et des tendances historiographiques ouvrent largement le choix des démarches scientifiques. Pourtant, trop rares encore sont les travaux originaux par leur méthodologie et le commentaire en finesse des documents – faute la plupart du temps d’accès (langue, bibliothèque hors capitales) à des ouvrages ouvrant ces perspectives, mais parfois du fait d’un repli frileux sur les acquis locaux. Parmi les livres convaincants publiés ces dernières années, deux ressortent plutôt d’une histoire culturelle, deux autres s’attachent plutôt à l’histoire sociale. Ces positions ne sont en réalité pas tranchées et les auteurs prennent soin de multiplier les facettes de leur étude et d’y lier réflexion théorique et analyse approfondie des sources inédites ou imprimées.
Paru en 2001, l’ouvrage de Igor Narskij sur le quotidien de la population de l’Oural entre 1917 et 1922 ne traite qu’en partie de
Le constat dressé par Winston Churchill en 1931 a donc perdu de son actualité.
L’historiographie russo-soviétique de
De nos jours, l’historiographie étrangère exerce autant de séduction que de répulsion, et le positionnement par rapport à ses méthodes, à ses modes (histoire culturelle, histoire des violences, histoire des genres) recouvre presque parfaitement celui de l’interprétation de la place du conflit dans l’histoire nationale. La Russie actuelle se trouve dans une situation plutôt rare pour une nation aussi développée : une partie conséquente de l’historiographie se trouve produite hors de ses frontières, souvent par des étrangers d’héritage culturel non russophone. La délicate tâche des historiens sous le régime soviétique, et la faible attractivité des études doctorales ou de la recherche ces derrières années expliquent le renouvellement encore insuffisant des approches méthodologiques. Si certains de nos collègues russes font partie des meilleurs spécialistes mondiaux dans leur domaine, la production scientifique d’ensemble se cantonne à un positivisme peu éclairant. La tradition soviétique pèse encore lourdement : les recueils d’articles édités à peu de frais par les facultés d’histoire, associant sans grand ordre de courts textes (de 5 à 10 pages), permettent d’allonger la liste des publications, mais ils ne sortent pas de l’exposé de faits et de chiffres dont la signification peine à se dessiner. Les colloques internationaux tel celui organisé à l’Université européenne de Saint-Pétersbourg en juin 2013, « Le petit homme dans la grande guerre » [67] , portant sur les conflits engageant la Russie dans la seconde moitié du XIXe siècle et la première du XXe siècle, contribuent à modifier, lentement, cet état des choses. Les visions russe (« nôtre ») et occidentale (« vôtre ») qui s’y sont affrontées reflétaient le poids de l’idéologie, mais n’ont pas empêché l’échange entre différentes approches – en réalité moins nationales que méthodologiques.
En Russie demeurent aujourd’hui hors champ un certain nombre de questions liées à l’éclatement de l’entité russe, puis soviétique, ou dont la discipline historique ne s’est guère emparée jusqu’à présent. Ainsi, la réflexion sur la violence de guerre, les études de genres, l’histoire entrecroisée et la comparaison entre les deux conflits mondiaux en sont à leurs prémices, il est vrai prometteurs dans ce dernier cas [68] . Le génocide arménien ou les soldats du tsar polonais, baltes ou encore finnois n’ont suscité que très peu de travaux du point de vue russe. Concluons d’ailleurs en soulignant que ce panorama d’un siècle d’historiographie de
Pour citer cet article : Alexandre Sumpf, « L’historiographie russe (et soviétique) de
[1] Winston Churchill, The Unknown War. The Eastern Front, C. Scribner's Sons, Londres, 1931.
[2] M. V. Os’kin, Pervaja mirovaja vojna, Moscou, Veče, 2010.
[3] Il s’agit du Corps Expéditionnaire Russe en France (CERF), dont Rémi Adam (Histoire des soldats russes en France 1915-1920. Les damnés de la guerre, L’Harmattan, 1996) ou Jamie Cockfield (With Snow on Their Boots. The Tragic Odyssey of the Russian Expeditionary Force in France During World War I, New York, St Martin Press, 1999) ont retracé le périple.
[4] Ju. L. Epčanin, Vojna na spasenie. Obščestvenno-političeskaja pozicija russkih pisatelej v gody Pervoj mirovoj vojny,
[5] Charles A. Ruud, Russian Entrepreneur: Publisher Ivan Sytin of
[6] V. V. Noskov. « "Vojna, v kotoruju my verim" : načalo Pervoj mirovoj vojny v vosprijatii duhovnoj èlity Rossii », in Rossija i Pervaja mirovaja vojna, Saint-Pétersbourg, Dmitri Bulanin, 1999, p. 326-339.
[7] Kap. Ivanenko, O značenii sovremennoj vojny i o dolge dovesti ee do pobedonosnogo konca (beseda s nižnymi činami), 5e éd.,
[8] S. Kuz’min, Vojna narodov (Psihologičeskij očerk),
[9] Naši vragi, Petrograd, Typographie du Sénat, tome 2 (1916), p. III.
[10] Karen Petrone, The Great War in the Russian Memory,
[11] Zverstva protivnika v očerkah i fotografičeskih dokumentah, Skobelevskij komitet, Petrograd, 1916.
[12] Aleksej I. Ksjunin, Narod na vojne, Petrograd, B.A. Suvorin, 1916. Un premier recueil de lettres paraît dès 1917 : E.V. Molostvova, Soldatskie pis’ma, Kazan’, Umid, 1917. Pour une analyse quantitative de ces missives, cf. Ol’ga S. Poršneva, Krest’jane, rabočie i soldaty Rossii nakanune i v gody Pervoj Mirovoj vojny, Moscou, Rosspèn, 2004.
[13] A. G. Shljapnikov (éd.), Kto dolžnik ? Sbornik dokumentirovannyh statej po voprosu ob otnošenijah meždu Rossiej, Franciej i drugimi deržavami Antanty do vojny 1914, vo vremja vojny i v perdio intervencii, Moscou, Avioizdat, 1926.
[14] Alexandre Sumpf, « The Great War in Soviet Interwar Films. How to Forget or Not », dans
[15] Alexandre Sumpf, « The Definition of the Enemy’s "Atrocities". The Special Investigation Commission Krivtsov, 1915-1918 », dans
[16] Alexandre Sumpf, « Политическая мобилизация и военная демобилизация ветеранов как общественный и личный опыт Великой Войны в России (1914-1921) » (« La mobilisation politique et la démobilisation des vétérans comme expérience sociale et personnelle », dans čelovek i ličnost’ v istorrii Rossii, XIX-XX v., Saint-Pétersbourg, D. Bulanin, 2013, p. 493-510.
[17] À l’exception des Lettons et des légions de volontaires. Cf. Aija Priedite, « Latvian Refugees and the Latvian Nation State during and after the World War One », in Samuel Baron, Peter Gatrell (éd.), Homelands. War, Population and Statehood in Eastern Europe and
[18] Pokrovskij a accompli des études d’histoire à Moscou et est entré au RSDRP social-démocrate en 1905. Exilé en France après sa participation à la première révolution russe, il livre une ample Histoire russe depuis les temps anciens. Pokrovskij rentre en août 1917 à la faveur de l’amnistie accordée par le Gouvernement provisoire et combat à Moscou en octobre. Directeur de l’Institut d’histoire de l’Académie des sciences d’URSS et de l’Académie communiste, il fait partie des principaux intellectuels au service du nouveau régime – avant sa disgrâce en 1930 et l’attaque virulente contre son école à la fin des années 1930.
[19] M. N. Pokrovskij, Imperialističeskaja vojna, 1915-1930, Moscou, Librokom, 2010.
[20] Pomni o vojne!, Moscou, 1924.
[21] Desjatiletie mirovoj vojny, Moscou, Krasnaja nov’, 1924.
[22] Trudy komissii po obsledovaniju sanitarnyh posledstvij vojny 1914-1920 gg., pod redakcej M. M. Gran, P. I. Kurkina i P. A. Kuvšinnikova, GIZ, 1923.
[23] Boris P. Kandidov, Religija v carskoj armii, Moscou, Sojuz bezbožnikov, 1928. Boris P. Kandidov, Cerkovnyj front v gody mirovoj vojny, Moscou, Ateist, 1929.
[24] Petrone, The Great War in the Russian Memory, op. cit., p. 235-238.
[25] Sophie Fedortchenko, Le Peuple à la guerre, Paris, Valois, 1930. Première édition russe parue en 1923.
[26] Bjulleten’ k dvadcatiletiju mirovoj imperialističeskoj vojny, Moscou, 1934.
[27] Sa précieuse somme de 1935 a été récemment republiée. A. De Lazari, Himičeskoe oružie na frontah mirovoj vojny 1914-1918. Kratkij istoričeskij očerk, Moscou, Vuzovskaja Kniga, 2008.
[28] A. De Lazari, Mirovaja imperialističeskaja vojna. Atlas shem, Moscou, Gosvoenizdatel’stvo, 1934.
[29] La principale institution chargée de cette formation est l’Osoaviakhim. L’ouvrage que lui a consacré Ol’ga Nikonova (Vospitanie patriotov. Osoaviahim i voennaja podgotovka naselenija v uralskoj provincii (1927-1941), Moscou, Novyj Hronograf, 2011) pèche hélas par son silence sur la question de l’expérience de guerre des adhérents volontaires.
[30] O.N. čadaeva, Soldatskie pis’ma 1917 goda, Moscou- Leningrad, Gosizdat, 1927. Voir aussi Razloženie armii v 1917 godu, Moscou, Gosizdat, 1925.
[31] Marc Raeff, Russia Abroad. A Cultural History of the Russian Emigration, 1919-1939,
[32] Catherine Goussef, L’Exil russe. La fabrique du refugié apatride, Paris, CNRS Éditions, 2008.
[33] Lesley Chamberlain, Lenin’s Private War. The Voyage of the Philosophy Steamer and the Exile of the Intelligentsia,
[34] Istoričeskaja nauka rossijskoj èmigracii 20-30 gg XX veka (hronika), Moscou, Aïro, 1998.
[35] Youri Danilov, préface à La Russie dans la guerre mondiale 1914-1917. Première édition russe en 1924 (Berlin).
[36] Ibid., p. 527.
[37] Dokumenty o nemetskih zverstvah v 1914-1918, Moscou, Gospolitizdat, 1942.
[38] Amir Weiner, Making Sense of War. The Second World War and the Fate of Bolshevik Revolution,
[39] Mark Edele, Veterans of the Second World War. A Popular Movement in an Authoritarian Society, 1941-1991,
[40] Très intéressants se révèlent les parcours développés par exemple dans Ot Fevralja k Oktabrju. Iz anket učastnikov velikoj Oktjabrskoj Socialističeskoj revoljucii, Moscou, Gospolitizdat, 1957.
[41] Rodion Malinovskij, Soldaty Rossii, Voenizdat, 1969.
[42] Antoine Prost, Jay Winter, Penser
[43] I. I. Rostunov (éd.), Pervaja mirovaja vojna, Moscou, Nauka, 1975.
[44] Viktor I. Miller, Soldatskie komitety russkoj armii v 1917 g., Moscou, Nauka, 1974. Allen K. Wildman, The End of the Imperial Army, 2 volumes, Princeton University Press, 1980.
[45] Geffrey Hosking, Rulers or Victims. The Russians in Soviet Union,
[46] P. Gatrell, A Whole Empire Walking. Refugees in
[47] Exemplaire à ce titre est la compilation livrée par L. M. Arenštejn, Vo vlasti haosa. Sovremenniki o vojnah i revoljucijah 1914-1920 (Moscou, Grifon, 2008) qui offre des extraits des écrits de Koltchak, Rennenkampf, etc.
[48] Le général de division Grigorij F. Krivošeev fit grand bruit en 1993 avec sa réévaluation radicale des pertes subies pendant la « Grande Guerre patriotique » ; il a apporté en 2001 de nombreux éléments au débat non clos sur celles de
[49] T. G. Šumnaja (dir.), Lubočnaja kartina i plakat perioda pervoj mirovoj vojny 1914-1918,
[50] Ju. A. Pisarev, V. L. Mal’kov (éd.), Pervaja mirovaja vojna. Diskussionnye problemy istorii, Moscou, Nauka, 1994. V. L. Mal’kov (éd.), Pervaja mirovaja vojna. Prolog XX-go veka, Moscou, Nauka, 1998.
[51] Rossija i Pervaja mirovaja vojna, Saint-Pétersbourg, Dmitri Bulanin, 1999.
[52] Vojna i obščestvo, 2004. Rossija i mir posle, Tver, 2009.
[53] www.rusasww1.ru [lien consulté le 23 janvier 2014].
[54] http://www.1914-1918-online.net/ [lien consulté le 23 janvier 2014].
[55] Ljubov žvanko, Bižency Pervoj svitovoj vijny : ukrainskij vimir (1914–1918),
[56] M. V. Os’kin, Pervaja mirovaja vojna, série Rossija v velikih vojnah, grand format, Moscou, Veče, 2010.
[57] Boris Kolonistkii, « Antibourgeois Propaganda and Anti-"Burzhui" Consciousness in 1917 », The Russian Review, Vol. 53, No. 2 (Apr., 1994), p. 183-196.
[58] Anatolij Utkin, Zabytaja tragedija. Rossija v pervoj mirovoj vojne,
[59] V. N. Cerepica, Gorod-krepost’
[60] I. P. Pavlova, Social’noe popečenie v Rossii v gody Pervoj mirovoj vojny, Krasnoïarsk, FGOU VPO, 2003.
[61] A. V. čertišev, Političeskie partii Rossii i massovoe političeskoe soznanie dejstvujuščej russkoj armii v gody Pervoj mirovoj vojny (ijul’ 1914-mart 1918), Moscou, VVIA, 2006.
[62] Sobolev. A. V. Aranovič, Intendantskoe snabženie russkoj armii nakanue i v gody Pervoj mirovoj vojny : monografija, Saint-Pétersbourg, IPC SPBGUTD, 2004.
[63] Igor’ Narskij, Žizn’ v katastrofe. Budni naselenija Urala v 1917-1922 gg., Moscou, Rosspèn, 2001.
[64] O. S. Poršneva, Krest’jane, rabočie i soldaty Rossii nakanune i v gody Pervoj Mirovoj Vojny, Moscou, Rosspèn, 2004.
[65] Oksana Nagornaja, Drugoj voennyj opyt. Rossijskie voennoplennye Pervoj mirovoj vojny v Germanii (1914-1922), Moscou, Novyj Hronograf, 2010.
[66] Boris Kolonickij, « Tragičeskaja èrotika ». Obrazy imperatorskoj semi v gody Pervoj mirovoj vojny, Moscou, NLO, 2010.
[67] Mihajlov, Plamper, Kolonickij
[68] Se reporter à ce sujet au numéro spécial de l’indispensable revue américaine Kritika. Explorations in Russian and Eurasian History, « Fascination and Enmity.
Alexandre Sumpf est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université de Strasbourg, spécialiste de l’histoire russe et soviétique du premier XXe siècle. Il a publié De Lénine à Gagarine. Une histoire sociale de l’Union soviétique (Folio Histoire, 2013) et achève actuellement un ouvrage sur la représentation de la Révolution de 1917 dans le cinéma russe et soviétique (Armand Colin, 2014). Il est l’auteur de plusieurs articles autour de