Publié aux éditions France-Empire, fondées en 1945 et spécialisées notamment dans les récits de guerre, cet ouvrage consacré à Emmanuel d’Astier de la Vigerie appartient à une catégorie éditoriale qui tend à se développer à mesure que disparaissent les acteurs de
Se situant entre le récit biographique et la chronique du mouvement Libération-Sud puis de la Résistance unifiée, ce livre s’inscrit à la suite de ceux de
Démobilisé à Marseille le 11 juillet 1940, d’Astier y retrouve une ancienne connaissance, Edouard Corniglion-Molinier, commandant d’aviation héros de
Les activités de la « Dernière Colonne » se résument pour l’essentiel à des actions de propagande et de contre-propagande, notamment en direction de l’ultra collaboration, de ses militants et de sa presse, tel le journal Gringoire. Néanmoins victimes du caractère improvisé de cette première aventure et très vite inquiétés par les autorités de Vichy – Corniglion-Molinier est arrêté en décembre 1940 et d’Astier forcé d’entrer en clandestinité à la suite de l’arrestation de sa nièce Bertrande en février 1941 –, ces pionniers de la Résistance se voient poussés à faire mûrir et évoluer leur organisation. D’Astier, journaliste dans l’entre-deux-guerres, décide alors de créer une publication clandestine qu’il nomme Libération et dont le premier numéro paraît en juillet 1941, sous-titré en forme d’esbroufe Organe du directoire des forces de libération françaises. C’est sur ces fondations que prend naissance le mouvement du même nom, qui gonfle peu à peu ses rangs grâce, principalement, au ralliement de militants issus de la gauche et du syndicalisme.
L’auteur consacre la suite de son livre à dépeindre l’unification, progressive et semée d’embûches, de la Résistance intérieure, les liens délicats de celle-ci avec le général de Gaulle et ses services, et les rapports également très complexes avec les Alliés britanniques et américains, le tout à travers le rôle et la personnalité de d’Astier. Il met l’accent sur un certain nombre d’acteurs clés et leurs rapports avec ce personnage atypique et charismatique, défenseur acharné de la Résistance intérieure qui jouera un rôle majeur pour la reconnaissance et l’armement de celle-ci, notamment auprès de Churchill – épisode que Geoffroy d’Astier raconte en détails. La vivacité politique et les fulgurances de celui qui devint « Bernard » en entrant en clandestinité y sont mises en avant, mais aussi les conséquences de celles-ci sur ses relations avec les autres résistants, tantôt quasi passionnelles, tantôt conflictuelles.
Joseph Kessel renonce par exemple à rejoindre la « Dernière Colonne » en raison du dilettantisme que d’Astier lui semble dégager, mais écrira plus tard que celui-ci fut « parmi les meilleurs » dans ses rôles tant de « camarade » que de « chef ». Lors de leurs premiers contacts,
En suivant le parcours de d’Astier, cet ouvrage permet donc au lecteur de revenir sur nombre des principales figures de la Résistance intérieure et extérieure, mais il est aussi une intéressante chronique des lieux qui ont marqué ce combat pour la Libération de
Le lecteur aguerri n’apprendra probablement rien de neuf dans cet ouvrage : les archives directement consultées par l’auteur sont peu nombreuses, et on regrettera leur mention parfois très approximative. Geoffroy d’Astier s’appuie en effet sur une historiographie déjà riche et variée, ainsi que sur un corpus important de témoignages publiés, parmi lesquels ceux de d’Astier lui-même, de Lucie et Raymond Aubrac, de Henri Frenay, du colonel Passy ou encore de personnages comme Charles d’Aragon. Mais, assurément, la personnalité attachante de d’Astier justifie à elle seule la démarche éditoriale de son petit-neveu, et ce livre préfacé par Raymond Aubrac n’en reste pas moins une bonne synthèse sur l’une des plus intéressantes figures de la Résistance française.
[1] Voir l’analyse de ce phénomène dans
[2] Cf p. 15.
[3]
[4] Jean-Pierre Tuquoi, Emmanuel d’Astier, la plume et l’épée, Paris, Arléa, 1987.