EDITORIAL
par Jean-François Sirinelli
Au moment où paraît le premier numéro de notre revue, on permettra à l’équipe réunie autour d’elle d’évoquer ici le nom de René Rémond, récemment disparu. Non pour invoquer un patronage, qui serait dans ces circonstances un détournement d’influence, mais, plus simplement, pour signaler que René Rémond est désormais présent dans notre mémoire à la fois par le respect et la gratitude que son souvenir nous inspire et parce qu’il incarne un lieu au sein duquel s’est développé le Centre d’histoire de Sciences Po, éditeur d'Histoire@Politique. Politique, culture, société, et une éthique professionnelle, qui inspirera l’activité de cette communauté intellectuelle qu’est toujours une revue.
Dans un premier temps de l’histoire de Sciences Po, la discipline historique n’y a pas été en position de force. Ainsi, il y a près d’un siècle et demi, au directeur de l’École libre des sciences politiques naissante Emile Boutmy, qui lui proposait en 1873 de devenir professeur dans son établissement, l’historien Alfred Rambaud répondit par la négative, objectant que l’établissement n’était pour l’heure qu’un « petit coin » de la recherche historique. Et trois quarts de siècle plus tard, à la Libération, la situation n’avait pas fondamentalement changé. C’est donc à l’aune de la dernière soixantaine d’années qu’il convient d’évaluer l’évolution et, ainsi replacée en perspective, celle-ci apparaît saisissante : le « petit coin » est devenu un vaste lopin dans le domaine de l’histoire contemporaine. D’un tel processus, René Rémond a été à coup sûr un acteur majeur.
D’autant qu’il a contribué à insuffler à ce lieu une réelle éthique professionnelle. Celle-ci, qui est aussi la nôtre, est fondée sur le respect du pluralisme intellectuel au sein de la production des historiens. Non seulement il n’y a pas de pensée scientifique unique, mais chacun de nous, au sein de cette revue, considère que sans tolérance des courants qui pensent différemment, il n’y a pas de vraie démarche scientifique. Nous ne prétendons pas ici détenir toutes les clés du métabolisme des sociétés humaines mais nous souhaitons, plus prosaïquement, apporter notre écot à cette activité modeste, inlassable et sans cesse remise sur le métier qu’est l’exhumation d’un passé aboli et la tentative pour lui donner un sens.
En dépit du regain d’intérêt dont elle semble actuellement faire l’objet, l’histoire de l’éloquence politique avant la Vème République est un champ d’étude trop peu exploré, qui souffre la comparaison avec les substantielles études d’autres disciplines portant sur la communication politique très contemporaine
Le fonds Cécile Brunschvicg, pillé par les Allemands en juin 1940, récupéré par les Soviétiques en 1945, revenu de Russie en 2000 est aujourd’hui conservé au Centre des archives du féminisme d’Angers. C’est un fonds d’une richesse sans précédent pour le féminisme, comme le montre la typologie des archives qu’il contient (...)