Co-organisé par plusieurs centres de recherche, le colloque sur « les socialistes d’Épinay au Panthéon. Une décennie d’exception » s’est déroulé sur deux jours (17 et 18 novembre 2011) : la première journée de travaux s’est tenue au Centre d’histoire du XXe siècle (université de Paris 1-Panthéon-Sorbonne), tandis que la deuxième a eu lieu au Centre d’histoire de Sciences Po. Il fait suite au colloque de mai 2011, qui avait été organisé par le Centre d’histoire de Sciences Po à l’occasion du trentième anniversaire de la victoire socialiste aux élections présidentielles de 1981 [1] . Optant pour un regard moins ciblé sur les arguments classiques dans l’étude de l’histoire du Parti socialiste (PS) – le programme commun, le rapport avec le PCF, la géographie des courants internes –, le colloque de novembre 2011 s’est penché davantage sur une analyse des aspects multiformes qui ont marqué l’évolution du parti entre les années 1960 et 1980. Le programme des travaux a vu la participation d’une vingtaine d’intervenants, des universitaires confirmés ainsi que des jeunes chercheurs et des doctorants, et il a été structuré sur quatre séances thématiques : « Un parti pour la conquête du pouvoir » ; « Le parti socialiste et les autres » ; « Un parti pour changer la vie ? » ; « Entre l’utopie et le réel : les programmes et les idées ».
Le chemin qui mène au triomphe du PS en 1981 fut tout sauf rectiligne. On pourrait même affirmer qu’il se fondait sur un paradoxe : préparer la montée au pouvoir après la rupture du programme commun, deux défaites électorales – aux élections législatives de 1978 et aux élections européennes de 1979 –, la crise interne déterminée par l’affrontement entre Jean-Pierre Chevènement, Michel Rocard et François Mitterrand. C’est justement autour de Mitterrand que se joue le sort du défi socialiste. De fait, Mitterrand exploita les divisions dans la coalition de gauche et dans le PS pour s’imposer comme le seul élément unificateur d’un front politique qui risquait de s’effondrer sous les coups des particularismes (
On ne saurait décrire le parcours d’un parti de la gauche sans aborder ses rapports avec les autres acteurs de cette famille politique aux contours autant idéologisés qu’indéfinis. Pendant la décennie 1971-1981, le frère ennemi du PS fut le PCF (Serge Dandé), côtoyé à son tour par la CGT (
Le PS de 1981 ne rassemblait guère à celui qui prenait forme entre le congrès d’Issy-les-Moulineaux (1969) et celui d’Epinay (1971). La métamorphose toucha quasiment tous les canaux de transmission entre la machine partisane, son corpus militant et
Les contenus programmatiques du PS étaient le produit d’un projet politique qui voulait « changer la vie » des Français mais qui ne pouvait pas faire abstraction des caractères fondamentaux d’un parti de masse. L’originalité du PS résidait dans ses nouveaux rapports avec les autres partis de gauche et dans ses réaménagements organisationnels et identitaires davantage que dans sa relation avec la société civile et les mouvements. L’influence de 1968 sur le nouveau PS fut très limitée (Hélène Hatzfeld) ; l’autogestion, véritable mythe de la « deuxième gauche », fut un élément important du débat socialiste – notamment dans le CERES – mais elle disparut quasiment des horizons du PS du début des années 1980 (Frank Georgi). Cela n’empêchait pas que dans la culture politique du PS demeurent des résistances à se rallier aux institutions étatiques « bourgeoises », avant que les instances réformistes ne deviennent majoritaires dans le parti (Marc Lazar). La crise économique des années 1970 ne fut pas sans conséquences dans cette métamorphose politico-anthropologique, puisqu’elle contraignait les chefs du PS à projeter une nouvelle France en termes de macroéconomie et de développement (Mathieu Fulla et Matthieu Tracol). L’attitude « institutionnelle » de Mitterrand face à la crise fut un atout dans les luttes contre l’aile gauche pour l’hégémonie dans le parti. Aussi, la crise économique eut des répercussions sur les rapports internationaux entre les gauches européennes, car elle montrait la vulnérabilité du modèle social-démocratique de l’Europe du Nord, point de repère du socialisme continental jusqu’à la moitié des années 1970. L’aire méditerranéenne et le Tiers Monde furent alors les nouveaux terrains d’élection pour la diplomatie du PS, toujours plus intéressée à repérer des souteneurs internationaux davantage que des sources d’inspiration stratégique et encore moins idéologique (Gilles Vergnon).
Fondé sur l’idée d’une rupture avec le statu quo, le nouveau PS finit par trahir plusieurs de ses buts originaux : le ralliement aux institutions de
[1] Aude Chamouard, « Le 10 mai 1981 et la gauche française », colloque organisé par le Centre d’histoire de Sciences Po (10 mai 2011), Histoire@Politique. Politique, culture, société, n° 15, septembre-décembre 2011. Consultable en ligne à l’adresse suivante : http://www.histoire-politique.fr/index.php?numero=15&rub=comptes-rendus&item=328 [lien consulté le 11 mai 2012].
[2] Cette séance prévoyait aussi l’intervention de Frédéric Sawicki, qui était empêché.
[3] Le texte de l’intervention a été lu par