Organisé à Montluçon par Fabien Conord, maître de conférences à l’IUT de l’Allier (université Clermont 2), les 9 et 10 avril 2014, le colloque « Autour de Charles de Freycinet. Science, technique et politique » a réuni une dizaine de contributeurs. Le choix de Montluçon s’est avéré judicieux, la conférence d’Éric Bourgougnon (conservateur des Musées de France) montrant, documents à l’appui, ce qu’avait été le développement industriel de la ville dans une chronologie qui épouse précisément celle de Freycinet. Partageant un même intérêt pour la personnalité de ce dernier, les participants se sont interrogés sur sa dimension politique, scientifique et technique. De formation « X-Mines », l’homme est surtout connu pour la longévité de sa carrière politique depuis son rôle auprès de Gambetta lors de la guerre de 1870-1871 jusqu’à sa nomination, symbolique, comme ministre d’État durant
Mais l’organisateur de ce colloque avait fait le choix judicieux de s’intéresser tout autant au « savant » en République qu’au politique, dont la postérité a surtout gardé en mémoire le plan qui porte son nom. Exemples à l’appui, Pierre Cornu (université Lyon 2) a pu ainsi montrer comment la dimension ferroviaire du plan Freycinet avait influencé le développement régional, tandis que Bruno Marnot (université de
Perçu par ses contemporains comme un ingénieur, Freycinet a aussi eu à cœur d’apparaître comme un scientifique dont les travaux lui permettraient d’intégrer l’Académie des Sciences, ce qui fut le cas en 1882, avant d’être élu à l’Académie française huit ans plus tard, battant pour cela l’historien Paul Thureau-Dangin. Toutefois, la relecture de son Traité de mécanique rationnelle par Aziz Filali Aoual (université Clermont 2) a montré les limites d’un travail de vulgarisation savante, dont la première édition date de 1858, et qui n’est en rien une œuvre de recherche fondamentale. Mais incontestablement l’homme a su convaincre de ses capacités en certains domaines clefs, comme l’armement et l’organisation militaire, ce qui lui a valu, a rappelé Fabien Conord (université Clermont 2), d’être le premier civil à détenir le portefeuille de la Guerre en 1888, au prix, parfois, de certaines contorsions politiques - notamment lors de l’affaire Dreyfus où il se garda bien de dénoncer l’attitude des officiers généraux antidreyfusards. Son action a consisté à moderniser l’armement, à développer les fortifications et les voies ferrées stratégiques et à faire voter la loi des trois ans.
Au regard des trajectoires de ses contemporains en politique, Freycinet relève-t-il plutôt de la règle ou de l’exception ? En analysant les pratiques de l’homme d’État, Julien Bouchet (université Clermont 2) a retracé le parcours d’un ingénieur en républicanisme, proche de Sadi Carnot, répondant à la définition de l’expert qui s’impose alors. La comparaison avec deux autres « savants » s’est avérée précieuse. À l’évidence, l’homme ne partage pas grand-chose avec la trajectoire d’un Paul Brousse, étudiée par Yves Billard (Montpellier 3), ni au plan scientifique, ni au plan politique : telle une sorte d’outsider, Brousse reste à la marge (relative) du système, là où Freycinet se place en son centre. Bien qu’il diffère aussi d’un Paul Painlevé, présenté par
Finalement s’interroge en conclusion Jean-Claude Caron (université Clermont 2), Freycinet n’est-il pas avant tout un ingénieur, membre d’un grand corps servant l’État, venu à la politique pour faire passer ses idées ? Son bref passage par le privé, au sein de la Compagnie des chemins de fer du Midi sous le Second Empire, relève de l’exception. Plusieurs des communicants partagent ce sentiment d’un parcours exemplaire de serviteur de l’État, sincèrement rallié à la République, après avoir servi avec fidélité le Second Empire. S’il n’eut jamais le charisme et la dimension politiques d’un Gambetta, d’un Ferry, d’un Clemenceau, Freycinet demeure, plus que d’autres de ses contemporains en politique, un socle de