Dans la vague de commémorations qui a marqué le mois de mai 2011, le colloque du 10 mai 1981 tenu au Centre d’histoire de Sciences Po aura eu pour vocation de faire un travail d’histoire et non de mémoire. Comme le rappelait Alain Bergounioux qui ouvrait cette journée, il s’agissait d’étudier ce tournant de notre histoire politique selon un triple registre : la réalité de ce qu’il fut, les représentations de l’événement à l’époque et les enjeux de mémoire depuis. Réunissant une dizaine d’universitaires proposant des communications thématiques et deux grands témoins (Michel Rocard et Lionel Jospin), ce colloque a sans doute tenu son pari. La journée a évoqué tant le contexte, que les grands apports et les limites de cette transition historique.
Issu d’un colloque organisé au Centre d’histoire de Sciences Po en juin 2009 par Ludivine Bantigny et Arnaud Baubérot, cet ouvrage rassemble les contributions de vingt-quatre auteurs, historiens pour la grande majorité d’entre eux, issus de la sociologie ou de la science politique pour quelques autres.
Ensemble ils s’efforcent de donner corps à la notion d’héritage politique. Il s’agit d’abord pour eux de définir ce qu’est « hériter » : en quoi cela se distingue-t-il de « se souvenir » et des problématiques liées à la mémoire ? quelle est la différence entre héritage et tradition ? Ces questions théoriques qui visent à renouveler une historiographie longtemps focalisée sur les enjeux de « mémoire », sont affrontées dès l’introduction par Ludivine Bantigny qui préfère esquisser plusieurs propositions plutôt que de donner d’emblée une définition figée de l’héritage. Reprenant une citation de l’anthropologue Gérard Lenclud, elle suggère notamment que l’héritage peut être défini comme « “une portion” de la tradition, à la fois “maintenue en l’état” et sans cesse revivifiée, par les choix de la mémoire et la critique de l’histoire ». Les nombreuses références convoquées – en dépit de l’impression de surcharge qu’elles pourraient occasionner – ont le mérite de montrer que, loin d’avoir été créé ex nihilo pour occuper des historiens en mal de colloque, le sujet était déjà au cœur des préoccupations d’auteurs bien connus.
Débuter une étude sur René Cassin (1887-1976) par une analyse des étapes de sa « panthéonisation » (le 4 octobre 1987) témoigne de l’ambiguïté en même temps que du besoin d’une telle biographie : René Cassin semble avoir été un personnage davantage commémoré qu’étudié. Pourtant, comme le montre l’ « orientation documentaire » à la fin de l’ouvrage, son parcours si riche semble n’avoir suscité ni écho considérable dans l’opinion publique ni abondance de travaux : outre les ouvrages écrits par l’intéressé lui-même, l’essentiel de la bibliographie qui le concerne spécifiquement émane surtout de fidèles l’ayant connu ou s’inscrit dans le sillage d’une mémoire organisée par les pouvoirs publics. Dans l’avant-propos, Antoine Prost et Jay Winter montrent à quel point la « mise à distance et en perspective » de la vie de Cassin s’avère complexe pour les historiens : comment en effet dissocier l’individu René Cassin de son héritage toujours vivant grâce à ses réalisations juridiques qui font encore référence aujourd’hui (la Déclaration universelle des droits de l’homme, la Cour européenne des droits de l’homme) ? Comment passer au crible de la critique historique un homme dont le « patriotisme républicain » fut successivement construit sur un pacifisme qui ne fut pas synonyme de passivité face aux régimes autoritaires, sur une primauté de l’individu dans les constructions juridiques, sur une idée de la solidarité au nom d’une action publique au service de ceux qui souffrent, sur un idéal de paix et d’unité européennes garanti par les droits de l’homme ? Même si la « sympathie » des auteurs pour le personnage est très présente et bien compréhensible, la construction chronologique de l’ouvrage – à l’exception de l’« ouverture » et du chapitre sur le rapport de René Cassin à la judéité – permet non pas de le poser d’emblée comme un visionnaire à célébrer mais comme un homme à inscrire dans la société de son temps. Le projet des auteurs est donc d’interroger ainsi son itinéraire : en quoi ce dernier est-il représentatif « [des] deuils et [des] espoirs de toute une génération » ? À cette problématique, le lecteur est tenté d’ajouter une autre question qui apparaît en filigrane dans tous les chapitres : René Cassin est-il parvenu à surmonter ces « deuils » et à concrétiser ces « espoirs » ?
Cinq ans après le colloque organisé à l’Historial de
Le livre d’Alexandre Sumpf, publié dans la collection « Mondes russes et est-européens » de CNRS Éditions, est issu d’une recherche doctorale qui a valu à son auteur le prix de la meilleure thèse en histoire sociale décerné par
L'Association Georges Pompidou a organisé le mercredi 22 juin 2011, dans le cadre du centenaire de la naissance de Georges Pompidou, un colloque à l'Assemblée nationale consacré à « Georges Pompidou et l'influence de la France dans le monde ». L'action menée par Georges Pompidou est étroitement associée, dans l'esprit de nos contemporains, à celle du général de Gaulle. Or, ce colloque visait à rendre à la présidence de Georges Pompidou son individualité propre, mais tendait également à témoigner du caractère international de sa vision. Afin de dresser un tableau global de l'influence de la France dans le monde à cette époque, les organisateurs de cet événement ont tenu à mettre en avant trois thématiques : les aspects politiques, puis économiques et enfin culturels. En réunissant historiens, témoins et acteurs politiques, à l'image des modérateurs de chaque séance, Gilles Le Béguec, Bernard Esambert, Jean-René Bernard et Jean-François Sirinelli, l'Association Georges Pompidou a su ainsi créer les conditions d'un dialogue fructueux.
Troisième long métrage du réalisateur polonais Jacek Borcuch, All that I Love (Wszysko co Kocham en polonais) a connu un succès critique certain. Sélectionné et primé dans de nombreux festivals, il a été retenu pour représenter la Pologne aux Oscars 2011 et fait partie des rares films indépendants polonais distribués en France ces dernières années.
Le film nous conte les péripéties d’une bande d’adolescents dans la petite ville portuaire de Hel, au bout de la presqu’île du même nom à l’extrême nord de la Pologne. Janek, son frère et ses amis sont passionnés de punk-rock et, une fois leurs cours au lycée terminés, ils consacrent l’essentiel de leur temps libre à répéter avec leur groupe amateur, nommé WCK (Wszysko Co Kocham), en rêvant de se produire dans un festival local. Hormis la musique, ils n’aiment rien tant que de se retrouver pour aller à la plage, fumer des cigarettes, boire des bières et parler des filles.
« Comment tracer la carte du séisme vécu par les Algériens et les Français du Constantinois au mois d’août 1955 ? Comment décrire et analyser l’insurrection et les représailles, alors qu’elles se sont étroitement mêlées dans le grand désordre de la violence et que des Algériens et des Français se trouvent encore enfermés dans la douleur ? Comment parler de ces événements, enjeux d’un conflit de mémoire qui se poursuit toujours ? » Claire Mauss-Copeaux pose d’emblée cartes sur table. Elle n’a pas essayé d’escamoter la réalité, d’en réduire la complexité : au contraire l’auteure relève ce défi historiographique avec un livre pionnier où, en spécialiste de l’histoire du conflit franco-algérien et de ses représentations, elle étudie minutieusement l’événement ainsi que les discours qui depuis presque soixante ans continuent de le décliner au présent.
Après plusieurs ouvrages sur la période de l’Occupation allemande, parmi lesquels notamment une biographie du docteur Ménétrel (Perrin, 2001), la première étude sur la notion de vichysto-résistants (Perrin, 2008) ou encore une monographie portant sur les conditions d’emprisonnement des collaborateurs à Fresnes à la Libération (Vichy en prison, Gallimard, 2006), Bénédicte Vergez-Chaignon publie une monumentale Histoire de l’épuration. Le sujet semble a priori rebattu. Que dire de neuf sur un phénomène qui a déjà donné lieu à plusieurs synthèses importantes depuis l’ouvrage pionnier de l’historien américain Peter Novick paru en 1968 (The Resistance versus Vichy : The Purge of Collaborators in Liberated France), jusqu’au récent Expier Vichy, l’épuration en France publié par Jean-Paul Cointet en 2008 ( Perrin) ? L’histoire de l’épuration a pourtant connu ces dernières années d’importantes avancées. En 1992, l’historien
Spécialiste de la France des années 1940, l’historien britannique Julian Jackson ouvre ici un nouveau chantier de recherche et s’engage sur le terrain de l’histoire des homosexualités. L’ouvrage débute ainsi sur un court essai d’ego-histoire qui permet de mieux comprendre le cheminement qui l’a conduit à s’intéresser à Arcadie, revue et club « homophile » de la France de l’après-guerre, devenu, au temps de la libération sexuelle, le symbole de « l’homosexualité à papa », assimilationniste et réactionnaire. Pour Julian Jackson, qui fréquenta brièvement le club Arcadie à la fin des années 1970, celui-ci vaut mieux que sa légende noire. Surtout, alors qu’aux États-Unis notamment, l’histoire des gays et des lesbiennes des années 1950 et 1960 est en passe d’être renouvelée (George Chauncey travaille notamment à un ouvrage sur la question), il apparaît temps de se pencher sur l’histoire d’Arcadie, qui fut, avec la revue suisse Der Kreis/Le Cercle, dont elle s’inspira à ses débuts, la représentante la plus illustre du militantisme homophile en Europe et, comme le rappelle Julian Jackson, le mouvement homosexuel le plus important qui ait jamais existé en France. Cet ouvrage vient ainsi heureusement enrichir notre connaissance de l’histoire des homosexualités en France, un champ resté longtemps négligé, mais en plein épanouissement depuis les années 1990.