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Merci à tous les participants et au public venu nombreux assister à la table ronde "La politique des empires : le défi de la diversité" aux 18e Rendez-vous de l'Histoire de Blois.
Samedi 11 octobre, de 15h30 à 17h- Salle 23, ESPÉ
Histoire@Politique. Politique, Culture, Société vous invite à assister à la table ronde qu'elle organise sur le thème "Les dreyfusards furent-ils des rebelles ?"
Les dreyfusards sont-ils des rebelles par rapport à leurs milieux ? Que représente dans leurs trajectoires "l’admirable révolte" (Jaurès) ? Leurs actions individuelles ou collectives traduisent-elles de nouvelles formes d’intervention dans la Cité ?
Table ronde avec :
En 2013, l'Alliance française fête son 130e anniversaire et peut s'enorgueillir d'être la plus grande association culturelle au monde, forte de plus de 800 implantations dans 136 pays et d'une public scolaire de près de 500 000 élèves. Sa mission originelle de diffuser la culture française par l'enseignement de sa langue a ainsi été remarquablement tenue même si, en France, ce succès planétaire reste très largement ignoré.
L'entretien qui suit fera comprendre les ressorts de ce succès qui touche aussi bien à la capacité de cette institution à s'inscrire dans le temps long (contrairement, hélas ! aux administrations du Quai d'Orsay) et à générer à l'étranger des fidélités sur plusieurs générations qu'à sa capacité à se renouveler pour affronter les défis du présent (aujourd'hui la concurrence féroce des instituts de langue, la conquête du public asiatique).
Mais comment fonctionne cette multinationale de l'esprit ? L'entretien avec son secrétaire général, Jean-Claude Jacq, révèle tout aussi bien les zones de lumière (l'effort constant de professionnalisation des équipes pédagogiques, la politique d'investissements immobiliers) que les parts d'ombre (la concurrence, parfois, avec les institutions culturelles françaises officielles).
Bien que gérée partout dans le monde par des étrangers, l'Alliance française n'en reste pas moins un des outils essentiels de l'action culturelle extérieure de la France. À défaut de faire le "buzz", cet anniversaire semble illustrer en revanche toutes les vertus de l'action discrète et continue. Les seules réellement payantes en matière de diplomatie culturelle.
Entretien avec Jean-Claude Jacq : à lire
Jean-Claude Jacq, vous êtes secrétaire général de l’Alliance française depuis 2001 dont nous fêtons cette année les 130 ans d’existence, Alliance qui dispose de plus 460 000 étudiants et qui se trouve localisée dans 132 pays. Depuis que vous êtes là, une dizaine d’années, quelles ont été pour vous les grandes évolutions de l’Alliance française, sur le plan humain, sur le plan de l’extension géographique, sur le changement de gouvernance ?
Il s’est passé quelque chose de très important pendant ces dix années, c’est un changement de statut. Ce n’était pas arrivé depuis la fondation en 1883, puisqu’en juillet 2007, nous avons créé
En fait quand l’Alliance est créée en 1883, elle avait pour mission d’entretenir et de soutenir un réseau à l’étranger. Au bout d’une trentaine d’années, elle a créé une école à Paris pour former les professeurs de français. Sa mission s’est ensuite étendue avec des cours de vacances par exemple et c’est devenu un cours de langue française, qui est
On a maintenant à Paris deux institutions, étroitement liées bien sûr : l’association Alliance française Paris – Île-de-France qui fonctionne comme toute Alliance du monde : elle reçoit des étudiants et leur offre des cours ;
Une responsabilité d’animation.
D’animation, de labellisation, de contact avec le ministère. Toute la mission de l’Alliance française se place au niveau mondial ; l’Alliance Paris – Île-de-France étant, elle, consacrée à l’école. C’est une évolution très importante parce que beaucoup de choses ont alors changé. D’abord les relations à l’égard du réseau qui se trouvait en face d’une Alliance à Paris, et qui avait ses propres intérêts d’alliance, en particulier en termes d’étudiants, une certaine absence de clarté dans les responsabilités à Paris. Là maintenant, ils ont une fondation qui ne s’occupe que du réseau, complètement autonome et consacrée au réseau. Cela a également changé des choses pour le ministère qui apportait un soutien à l’Alliance de Paris et qui n’était jamais tout à fait sûr que cela serve vraiment au réseau, ils craignaient toujours que cela ne serve un peu à financer des difficultés financières à l’Alliance de Paris. Ce qui n’était pas le cas. Mais maintenant c’est très clair, la contribution du ministère ne sert qu’au réseau. Nous avons pu aussi lever des fonds ; nous avons obtenu en capital à peu près 6 millions d’euros. Sur une cause comme celle-là, c’est assez difficile ; ce financement s’est d’ailleurs tassé depuis
Il y a eu trois étapes : de 1910 à 1915 avec la construction du bâtiment du boulevard Raspail ; puis, en 1975, Fleurus ; et maintenant en 2013. Nous avons acquis un immeuble de sept étages qui permettra d’avoir un espace à louer à des étudiants à Paris, pas forcément des étudiants de l’Alliance d’ailleurs. Un tel immeuble nous permettra ainsi d’avoir un patrimoine élargi et des recettes qui proviendront de la location.
Cela fonctionne un peu comme une structure de logement.
Voilà, c’est un ensemble de studios qu’on aménage en ce moment. On va accueillir 26 ou 27 studios.
Je pense que c’est toujours un défi. Parce que vous dîtes un capital de 6 millions. Mais j’ai toujours le sentiment que l’Alliance reste mal connue en France.
Oui, complètement.
Vous ne vous êtes jamais résolu à faire une campagne un jour, de mettre une publicité dans Le Monde ?
On a fait des campagnes régulières dans différents journaux, mais la chose coûte fort cher. On n’en a pas fait depuis deux ans. Mais cela ne change pas grand-chose. Ce qui est important, c’est d’essayer de faire comprendre aux décideurs – c'est-à-dire aux parlementaires, aux ministres, à des partenaires en France – l’importance de ce réseau.
Cet effort constant pour faire connaître l’Alliance dure depuis à peu près 130 ans. J’interviens beaucoup au Parlement, je suis interrogé chaque année par les sénateurs comme par les députés. On voit les ministres des Affaires étrangères chaque fois qu’ils prennent fonction ; et aussi par la suite, le président de
Je pense que l’on pâtit de cette situation parce qu’on ne travaille pas en France ! En France, l’Alliance de Paris accueille seulement des étrangers et tous les taxis nous connaissent, comme tous les gens qui ont l’occasion de passer par les cours de l’Alliance de Paris. Mais le grand public nous ignore et même, je pense, pas mal de parlementaires. Un sénateur me disait encore il y a trois jours : « Vous savez, en France on ne voit que le service public, moi je suis sénateur à l’étranger et je voyage beaucoup. Or, je sais ce que sont les Alliances, mais mes collègues sénateurs élus en France, non. »
Je me rends bien compte de cette faible connaissance, à chaque fois que je rencontre des députés. Ceux-ci tombent des nues alors que cela fait 130 ans qu’on en parle et qu’on insiste.
La francophonie, c’est encore un autre sujet, bien sûr que l’Alliance française participe de la francophonie, mais je pense que la francophonie a une mauvaise image de marque parce que quand on pense francophonie, on l’associe à l’organisation internationale qui est quelque chose de très peu parlant pour les Français. En revanche, ils restent quand même, à mon avis, très attachés à la question du « rayonnement » de
On a fait beaucoup d’information là-dessus. Un article dans Le Monde a été signé sur l’Alliance française par Orsenna, Pivot et notre président [« L’Alliance française, la grande oubliée », Le Monde, 8 mars 2010]. Je pense qu’on peut vous montrer beaucoup d’articles que l’on fait paraître ; soit parce qu’on est interviewés, soit parce qu’on les propose dans différentes revues. Certains connaissent un peu l’Alliance française.
Oui certaines élites quand même.
Lorsqu’on a fait la levée de fonds, on s’en est bien aperçu, notre trésorier qui y a participé largement disait qu’il était allé voir tous les gens soumis à l’ISF [impôt de solidarité sur la fortune] qu’il connaissait puisqu’il était banquier lui-même. Les gens lui disaient : « Cela relève de l’État, ça ne nous intéresse pas, on ne financera pas ça. » Il a été extrêmement déçu, il a été très pessimiste, et moi-même quand j’ai vu les entreprises du CAC 40, on en a vues beaucoup…
Oui parce que, quand même, tous les comités Alliance à l’étranger travaillent beaucoup avec les grandes entreprises françaises.
Les entreprises en question ne voulaient même pas apparaître. Elles disaient : « Vous comprenez, nous voulons être internationales, et pour être respectées à l’international, nous ne devons pas apparaître comme Français. Il faut qu’on parle en anglais d’ailleurs dans l’entreprise, y compris à Paris, sur place aussi. » Je vous assure qu’on en a vues au moins une vingtaine qui ne voulaient surtout pas qu’on les associe. On a même eu une donation par exemple d’une entreprise importante, que je ne citerai pas parce qu’elle ne voulait pas être citée. Elle ne voulait pas que cela se sache.
Il existe une situation très paradoxale en France : on prétend que l’on est attentif à notre rayonnement, mais en même temps, les crédits publics qui y sont consacrés chutent de manière vertigineuse. C’est une hémorragie terrifiante. Tout le Quai d’Orsay aussi, pas seulement l’Alliance française. On en pâtit puisqu’on reçoit une aide de l’État pour notre action et cette aide diminue de manière invraisemblable. En l’espace de quinze ans, on a perdu la moitié de nos cadres à l’étranger. On était 495 « détachés » [un détaché est un professeur de l’Alliance française dont le salaire est pris en charge par le ministère des Affaires étrangères] il y a quinze ans, on n’est plus que 230. Je ne sais pas quelle administration ou quel organisme aurait pu résister à une hémorragie de ses cadres de cette importance. Quant aux crédits, ils diminuent de façon inouïe : on nous parle de 13 % cette année, c’était 7 % l’année dernière, bientôt il n’y aura plus rien. Il y a le paradoxe entre clamer continuellement que l’on est favorable au rayonnement, et avoir des budgets consacrés par l’État diminués de façon disproportionnée par rapport aux autres ministères.
La deuxième question sur laquelle je voudrais que l’on revienne, c’est sur les dix ans, quels sont les atouts, certains anciens, que l’Alliance a su développer, et au contraire quels sont les points faibles ?
J’ai répondu surtout sur la structure mais ensuite il y a le réseau, c’est la deuxième partie. En fait, le réseau a lui connu un essor assez historique puisque, depuis 2001, les effectifs ont progressé de 37 %, et si on prend sur quinze ans, c’est 50 % : il s’agit donc d’une augmentation très importante.
Cette très bonne santé de l’Alliance ne se fait-elle pas au détriment du français tel qu’il est enseigné dans les divers systèmes d’enseignement à l’étranger ? La crise de l’enseignement de la langue française dans la plupart des systèmes scolaires ne profite-t-elle pas à l’Alliance française ? Ce qui est perdu d’un côté est regagné par l’Alliance, mais c’est un jeu à somme nulle peut-être.
Je ne dirais pas que c’est au détriment puisque nous n’y sommes pour rien, nous soutenons au contraire les lycées, mais il est certain que dans un bon nombre de pays…
Je pense au Brésil où l’espagnol est en passe de devenir la deuxième langue étrangère dans les lycées.
Le français recule dans l’enseignement public à l’étranger, et donc les gens qui n’ont pas appris le français à l’école, et qui en ont besoin à l’âge adulte, font appel aux alliances. Cette augmentation s’explique par un changement stratégique de nos implantations. On s’est beaucoup installé depuis douze ans à l’Est du monde, en Chine en particulier, où il y a eu un essor considérable, mais également en Russie. Ces phénomènes sont récents, depuis sept ou neuf ans. Les Alliances ont accueilli un nombre très important de nouveaux étudiants dans ces grands pays. L’Alliance s’est également installée en Europe centrale. Enfin ces changements ont été induits par la chute du mur de Berlin, et en Afrique aussi par la fin de l’apartheid qui a ouvert le réseau des pays francophones au réseau des pays anglophones. Il y a quand même eu là un développement important. Ce sont donc deux éléments tout à fait déterminants dans cette évolution. Et puis il y a eu un troisième élément : l’effet de la mondialisation, car en France, on est très soucieux de la mondialisation qui entraîne des délocalisations. Nous, nous sommes délocalisés depuis 130 ans, l’Alliance française est déjà partout depuis plus de cent ans… Elle ne subit pas cet effet, au contraire elle bénéficie de l’essor des pays émergents, et en particulier des BRICS [BRICS est un acronyme anglais pour désigner un groupe de cinq pays qui se réunissent en sommet annuels : Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud]. Il se trouve que historiquement l’Alliance française s’est installée majoritairement dans ces pays, en Amérique latine, mais après ensuite
Quels sont les trois dans les dix premiers ?
Il y a
En termes de nombre d’étudiants ?
Oui.
Évidemment il y a des pays qui sont en plein développement, comme le Pérou en ce moment, puisqu’ils ont un taux de développement de 7 % du PIB.
Oui mais là c’est plus ancien, Lima a été, à un moment,
Oui tout à fait, d’ailleurs aujourd’hui c’est Bogota, et Lima doit être troisième ou quatrième. Il y a aussi l’Australie, le Canada, les États-Unis.
Pour tous ces pays, faites-vous des enquêtes pour savoir quelle est la raison du choix du français ? Il y a des raisons économiques pour travailler dans des entreprises françaises, mais aussi des raisons de tourisme pour certains.
Il y a aussi un effet qui a été très important et qui existe toujours, c’est l’attrait que présente le Canada. La loi des deux langues a vraiment stimulé la demande de français, beaucoup de gens rêvant partout, en Amérique du Sud comme en Asie, d’aller au Canada. Vous en avez dix qui apprennent le français pour pouvoir émigrer. Il existe cette possibilité et on est assez sensible en Asie aux quotas que le Canada définit pour son immigration. Ce sont des quotas tournants dans la mesure où les autorités canadiennes choisissent un certain nombre de pays. Quand ils estiment avoir un nombre suffisant de ressortissants d’origine de ces pays, ils « tournent » et cherchent ailleurs. On suit presque l’évolution de la demande canadienne d’immigration dans les demandes de français. Le phénomène est assez étonnant. Le pouvoir d’attraction du Canada est considérable.
Je pense qu’en Afrique, le développement s’explique par un accroissement des relations économiques entre les pays de zone anglophone et de zone francophone.
On dit cela aussi pour
Est-ce que vous avez encore quand même des étudiants qui viennent par amour de la culture française ?
Oui, en Amérique latine, c’est une motivation forte quand même. Je pense que c’est sans doute le continent où l’attrait de la culture française, de la langue française, du niveau social que cela représente de parler français, reste encore très forte. Alors j’espère que cela continuera, parce qu’on a le sentiment, – on en parlait avec le ministère –, d’un certain tassement depuis un an ou deux de la demande de français en général dans le monde. Cela se perçoit à peu près partout et je pense que c’est quand même assez largement lié à l’image que donnent à la fois l’Europe aujourd’hui, et
Si les gens qui ont fait l’investissement d’apprendre une langue étrangère ont des doutes, qu’en sera-t-il de ceux qui se préparent à faire l’investissement en français ? Donc je crois que la situation économique et l’image que l’on donne aujourd’hui, notre pessimisme (cf. les derniers sondages CSA) ont de mauvaises répercussions à l’étranger. Le président de
Vous répondiez un peu aux faiblesses possibles de l’Alliance, mais plus globalement, pour les dix ou vingt années à venir, quels seraient les défis de l’Alliance, en termes de gouvernance, en termes de public, en termes d’implantation ?
Il y a, comme dit le sage antique, ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas. Ce qui dépend de nous, c’est la démarche qualité surtout. Cet aspect a été une grande innovation il y a quatre ans. On a, avec le ministère, mis en place une démarche qualité avec un référentiel « qualité », démarche un peu ingrate vue de loin, mais qui me semble absolument déterminante dans l’évolution des Alliances.
Qualité de l’enseignement, mais aussi des locaux et de l’ensemble du mode de fonctionnement des alliances ?
Oui, on a fait un référentiel qui traite de chaque domaine d’activité d’une Alliance, depuis la gouvernance jusqu’à l’accueil des étudiants, la qualité des cours, les certifications, les médiathèques, l’aspect culturel, la gestion, etc. Il y a deux cents items qui sont précisément sériés par domaine et les Alliances se servent de ce référentiel pour d’abord s’ausculter, pour évaluer leur degré de performance.
Savez-vous si par exemple, à titre comparatif, le Goethe Institut ou le British Council ont aussi ce genre de dispositif d’évaluation ?
Ils doivent certainement avoir des évaluations aussi mais je ne sais pas si c’est le même tableau et les mêmes éléments que les nôtres, d’abord parce qu’ils sont un peu différents, le Goethe Institut et le British Council ont la maîtrise complète de leur réseau, c'est-à-dire qu’en loi de finances, on leur vote un budget et ils gèrent tous les établissements, ils gèrent les personnels, ce qui n’est pas le cas de l’Alliance française. Nos critères sont différents. Nous essayons plutôt d’aider les associations autonomes que sont les Alliances françaises à améliorer elles-mêmes leur gouvernance et leur qualité.
Elles sont très demandeuses de ce type d’outils.
Oui, alors que le Goethe peut le faire directement.
Vous procédez toujours par l’intermédiaire des présidents et des comités locaux.
Oui, on les soutient plutôt, c’est un peu différent. Ce référentiel a été très important parce que les nouveaux directeurs en arrivant pouvaient mieux connaître leur Alliance et savoir ce dont elles avaient besoin. Ils pouvaient dire auprès des conseils d’administration : « Attendez, c’est dans un référentiel, il faut quand même se mettre aux normes au point de vue gouvernance, au point de vue gestion. » C’est un outil de développement et d’amélioration formidable qui est utilisé dans les instituts français aussi, on a travaillé ensemble. L’Institut français travaille avec nous pour poursuivre cette démarche et je crois que cette démarche a beaucoup changé les choses. C’est un processus, c'est-à-dire que je crois qu’il faut continuer, mais maintenant les Alliances savent exactement sur quoi s’appuyer et où elles vont.
C’est difficile de synthétiser pour des centaines d’établissements, mais y avait-il quand même des traits qui ressortaient quant aux améliorations souhaitables ?
Oui, souvent il y avait la gouvernance parce que gouverner une association, ce n’est jamais très facile, dans des contextes qui en plus sont juridiquement très différents, on n’a pas le type associatif-loi 1901 en Chine ou dans d’autres pays, il faut adapter
Puis, ce qui pouvait parfois être amélioré, c’était la gestion elle-même, selon les moyens du bord, puisqu’il existe de petites, moyennes et grandes Alliances. Tout le monde n’a pas un service comptable ou des équipes fournies. Là, on a donné des outils pour que, y compris les Alliances les plus modestes, puissent se gérer de manière transparente, efficace, sans prendre de risques, par exemple avant d’acheter ou de déménager.
De ce point de vue, je crois que la professionnalisation entendue au sens global, amélioration de la gouvernance et de la gestion, a fait de grands pas, quoiqu’il y ait encore toujours à faire.
Quand j’avais fait mon petit travail sur les trente dernières années à l’Alliance [
Oui, l’enseignement est devenu un marché très important, d’où la nécessité pour les Alliances françaises d’être complètement aux normes par rapport au Conseil de l’Europe, d’avoir des critères d’offres de cours qui soient généraux, des certifications qui soient aussi universelles, une qualité du corps enseignant qui soit aussi garantie. Dans la démarche qualité, il est maintenant quasi obligatoire d’avoir des enseignants qui ont des diplômes. J’ai connu cela il y a vingt ans : les gens simplement parce qu’ils parlaient français, une épouse suivait son mari qui était administrateur d’une entreprise à l’étranger et elle devenait une professeure de français en vertu de son seul statut de francophone. C’étaient souvent des dames ; et si cette tendance féminine subsiste, ces dames sont maintenant bien formées. Il existe dorénavant des formations universitaires, celle que l’Alliance propose par exemple à l’Alliance de Paris – Île-de-France. On ne peut pas enseigner le français langue étrangère [FLE] si on ne possède pas des techniques et une certaine qualité d’enseignement.
Les évolutions sont ici bien nettes. Sur le plan numérique, les Alliances ont également suivi.
Et vous arrivez à trouver sur place les personnes ayant les compétences requises, puisque c’est un personnel essentiellement étranger ?
Le problème parfois c’est qu’il faut quand même des enseignants de nationalité française parce que c’est une forme de garantie de qualité pour les publics. Ce qui distingue l’Alliance française d’une simple « boîte commerciale » de langues, c’est qu’il y ait une référence culturelle.
Mais il y a quand même beaucoup d’Alliances où il n’y a pas de professeurs français.
C’est assez rare parce qu’on trouve assez facilement des Français qui ont envie de s’expatrier, même pour une durée limitée de quelques années. De plus, on trouve beaucoup de gens qui ont été formés à l’enseignement du français langue étrangère. D’ailleurs ceux qui vivent à Paris et qui ont une formation de FLE ont du mal à trouver des cours, il y a presque trop de professeurs de français langues étrangère. Il en résulte parfois la nécessité de s’expatrier pour trouver du travail.
Ce qu’il faut réaliser sans doute, c’est un mélange harmonieux entre professeurs locaux et professeurs français. Que ces derniers soient en même temps pour leurs collègues étrangers une référence au point de vue linguistique puisqu’ils viennent de France et qu’ils sont au courant à la fois de la façon dont on parle maintenant ici et de l’actualité culturelle française. Parfois existent d’autres problèmes tels la difficulté à obtenir les visas de travail dans certains pays qui se protègent et qui interdisent les migrations venues de France. Par exemple, l’Inde c’est difficile. Mais, dans l’ensemble, nous disposons d’un corps enseignant qui maintenant aussi a beaucoup progressé, qui est sorti du bricolage. Il y a quinze ou vingt ans, il y avait quand même beaucoup plus de bonnes volontés, parfois, que de vraies compétences. Sauf dans les grandes Alliances. Aujourd’hui c’est plus homogène. C’est une évolution profonde.
On a aussi été très attentif à ce que les Alliances françaises respectent les critères qui sont définis par notre charte. Nous avons donc été amenés parfois à « délabelliser ». C’est très douloureux, mais nécessaire quand on constate une dérive sur la gouvernance, une dérive éthique ou bien une mauvaise gestion. Par exemple, une offre de cours qui n’est pas à la hauteur de la réputation de l’Alliance française. Et puis en plus, aujourd’hui avec Internet, la plus petite Alliance dans un coin perdu d’Argentine – pays que j’adore en passant – fait une offre qui n’est pas à la hauteur ou a de mauvais enseignants, les choses se savent immédiatement par la toile et c’est l’opprobre sur l’ensemble du réseau. Tout le monde connaît cela maintenant. On est donc obligé d’être très solidaires les uns les autres, et puis en même temps très attentifs à la qualité parce que le moindre maillon faible donne une image négative. On a donc été obligé de délabelliser dans certains cas.
C’est pour cela d’ailleurs que si l’image globale est maintenant capitale, il faut des coordinateurs. Il y a toujours eu des délégués généraux mais leur rôle doit être encore plus important.
Tout à fait. On en a quarante maintenant et dans certains grands pays on a créé des plateformes avec des adjoints, des directeurs détachés.
Je suppose qu’eux sont des « détachés » [personnel français dont le salaire est pris en charge par le ministère des Affaires étrangères].
Oui, toujours des « détachés ». On a désormais un maillage un peu plus serré du territoire, d’ailleurs cet effort de rationalisation, de gouvernance et de qualité, fait que paradoxalement on a diminué le nombre d’Alliances dans le monde. Quand je suis arrivé en 2001, je crois qu’on était à 1 100 alliances. Il n’en reste plus que 826. Ce fut une politique délibérée puisque c’est nous qui avons dit à certaines de nos associations, celles qui souvent même n’enseignaient pas, qui étaient de simples clubs ou des cercles d’amitiés franco-x : « Ce n’est pas ça une Alliance française, c’est un établissement ouvert au public, ce n’est pas un club de gens qui aiment
Un certain nombre d’Alliances, en Italie ou aux États-Unis par exemple, en Europe surtout, qui étaient simplement des clubs, sont redevenus des clubs. On a aussi des centres associés qui ne fonctionnaient pas très bien. Maintenant le réseau s’est resserré sur 800 Alliances et je pense que c’est un mouvement qui va encore se poursuivre parce qu’on a 720 Alliances enseignantes. Ce qui risque de conduire à nous séparer des 80 ou 100 qui n’enseignent toujours pas. Ce n’est pas la vocation d’une Alliance que d’être un club, je crois que c’est vraiment un établissement scolaire.
En même temps, les 700 Alliances enseignantes se sont aussi renforcées sur le plan culturel en termes d’animation, c’était quand même une des évolutions clés depuis trente ans.
Absolument, elles ont fait beaucoup plus d’action culturelle qu’avant.
Quelles sont les demandes aujourd’hui ? Est-ce qu’il existe des types de productions artistiques particulièrement demandées ? A-t-on des tendances selon les pays ?
C’est quand même beaucoup à lier à la capacité de
Oui, il faut une subvention pour faire venir une compagnie par exemple.
Elles sont amenées, quand elles ont peu de moyens, et qu’elles ont de surcroît de moins en moins d’aides, à faire de l’action culturelle qui est la moins coûteuse. Ce qui fonctionne le mieux, c’est le cinéma. En fin de compte, on trouve une salle, des partenaires, on fait venir des films, un acteur. En Australie, c’est l’Alliance française qui organise l’un des plus grands festivals de cinéma du monde, c’est le « Alliance française French Film festival », qui est vraiment devenu une très grosse opération, soutenue bien sûr un peu par le ministère. Dans beaucoup de pays, le festival du film français est vraiment devenu un moment important de la vie culturelle locale. Tout ce qui concerne la photographie marche très bien également. Le plus difficile, s’il n’y a pas d’aide de l’État, c’est la tournée de
Cela s’organise un peu. Je crois que la demande est maintenant surtout tournée vers les arts du spectacle vivant.
Vous avez parlé de l’Institut français, j’ai appris qu’il est plutôt en crise. L’un des objectifs de l’Institut français était quand même d’essayer d’unifier le réseau, donc c’est surtout un vieux serpent de mer, que faire des Alliances françaises, est-ce qu’il faut vraiment les placer sous la coupe d’un réseau étatique ? Finalement vous avez gardé votre originalité statutaire.
Le ministre a pris une décision sage : de toutes les façons, ce n’était guère possible de les intégrer puisqu’elles sont de droit local. Le ministre a décidé finalement de confier à l’Institut français ce que faisait Culture France. Soit un organisme à Paris, un établissement public qui reçoit une subvention importante de l’État pour soutenir l’ensemble du réseau d’implantation à l’étranger, tel est le rôle de l’Institut français. Le réseau à l’étranger est composé de centres culturels dits « instituts français » et d’Alliances françaises, et l’Institut français de Paris apporte à cet ensemble un soutien en matière artistique, mais pas seulement, en documentation, en formation, puisqu’il a disposé, en plus de l’ex-Culture France – puisque c’est la métamorphose de Culture France – du soutien à l’enseignement du français. Nous collaborons avec l’Institut français. Je suis d’ailleurs au conseil d’administration de l’Institut français. Le réseau lui-même dépend soit du ministère pour les Instituts, soit de
En fin de compte, les changements ont été minimes. Certes, l’Institut français a un peu plus de responsabilités. Mais le système français est tel, il est tellement original avec cette double composante (instituts français et alliances françaises), qu’il était difficile d’avoir un seul réseau.
Maintenant, si je parlais des succès, il demeure quand même des problèmes. En particulier, cette généralisation de la marque « Institut français » partout dans le monde nous pose problème. C'est-à-dire que les services culturels des ambassades, même n’étant pas des établissements stricto sensu, s’appellent maintenant « instituts français ». Dans les pays, en Amérique latine en particulier, mais ailleurs aussi en Asie, en Inde par exemple, où il n’y avait que des Alliances françaises depuis parfois un siècle, on voit apparaître la marque « institut français » qui est le nouveau nom des services culturels quand il n’y a pas d’établissement. Une confusion est née, aggravée par le fait que le conseiller culturel devient directeur de l’Institut français. Celui-ci se trouve donc dans une situation qui n’est plus aussi équilibrée et neutre qu’auparavant et quand il a à faire des choix – a fortiori quand il y a un véritable Institut français, comme c’est le cas en Europe par exemple – au moment des restrictions budgétaires entre l’Institut français, dont il est à la fois directeur et conseiller culturel, et les Alliances françaises dont il n’est pas directeur, naturellement, il est difficile pour lui de faire preuve d’équanimité.
On a maintenant un malaise dans le réseau et on parle de « guerre des marques ». C’est peut-être un peu excessif, mais on éprouve en tout cas un malaise. Chacun essaie de faire valoir l’Institut français ou l’Alliance française dans le même pays, avec une bagarre parfois pour les financements, en particulier les certifications [examens de langue] qui rapportent quand même des recettes. Évidemment, les Instituts français, services culturels, essayent parfois de prendre aux Alliances françaises ce qu’ils faisaient jusqu’ici, la recevabilité des certifications pour avoir des recettes. Même chose pour le mécénat. Il s’est ainsi créé une atmosphère et une rivalité qui ne sont pas saines et sur lesquelles j’alerte le ministère depuis trois ou quatre ans.
Cette concurrence remonte à l’après-guerre.
C’est vrai, mais la réorganisation avec les Instituts français dans des pays où il n’y en avait pas a aggravé la situation.
Pour revenir aux défis : géographiquement c’est toujours aller vers l’Est ou essayer de revenir davantage sur l’Europe, parce qu’il y a vraiment un vrai problème de l’enseignement du français sur notre continent ?
Tout à fait, des cinq continents, je crois que c’est l’Europe qui nous préoccupe le plus, mais qui préoccupe aussi le ministère, parce que là on a une organisation un peu particulière. Le taux d’encadrement y est le plus faible dans le monde, il y a très peu de directeurs « détachés ». Certains pays en Europe n’ont même pas un seul directeur d’Alliance « détaché ». Deuxièmement, en Europe, par exemple au Portugal, depuis la chute du régime de Salazar, ou ailleurs depuis la chute du mur de Berlin,
C’était déjà comme cela dans l’entre-deux-guerres, les Instituts en Europe centrale et orientale étaient dans les capitales.
Oui, mais on a construit en même temps. On a fait des gestes politiques plus importants. À Lisbonne, c’est après la chute de Salazar qu’on a construit un énorme immeuble Institut franco-portugais, même chose à Prague. Ce sont des dates de construction assez récentes, ils ont vingt ou vingt-cinq ans. Il y a eu une installation plus forte. Par conséquent, le réseau est un peu déséquilibré ; les Alliances en province n’ont pas le moteur de la capitale, comme c’est le cas en Amérique latine ou en Amérique du Nord. En plus, il y a une baisse de la demande du français visiblement en Europe. On est assez préoccupé par l’évolution. Des Instituts français ferment, faute de moyens, et l’Alliance française a dû les remplacer, à Gênes, à Porto, à Turin.
Surtout en Allemagne où beaucoup d’Instituts français ont fermés.
Oui, là ils ferment. Mais le ministère ne souhaite pas qu’on ouvre d’Alliance pour l’instant, et le processus dure depuis plus de dix ans.
On nous approche pour nous dire : « On va fermer dans tel ou tel endroit, est-ce que vous ne voulez pas prendre la relève ? » Mais ce n’est pas si facile ; parce qu’il y a pas mal d’endroits, en Europe du Nord surtout, où l’État local finance les cours de français pour les adultes. Là ces Instituts français déclinent parce qu’ils n’ont pas assez de recettes et qu’ils n’ont pas assez d’élèves, l’Alliance française dans ce cas-là ne fera pas mieux, ses recettes ce sont les étudiants. On a été amené à refuser dans un certain nombre de cas d’ouvrir une Alliance française dans la mesure où il n’y avait pas de réelles possibilités. En revanche, en Europe du Sud, on peut le faire, en Italie ou au Portugal.
Mais la situation en Europe est devenue préoccupante. En plus, dans la réalité des faits, le français recule dans les institutions européennes. Je crois que c’est l’une des régions du monde où l’on devrait faire beaucoup plus d’efforts, en Europe et en Afrique. Mais là, il faut quand même des soutiens publics.
Comment concevez-vous votre action en Afrique francophone, parce qu’il y a quand même une énorme Alliance à Madagascar ?
C’est toujours
Notre idée, c’est de nous développer davantage encore en Asie centrale, parce qu’on a là des pays qui n’ont pas une très grande visibilité sur la scène internationale. Je pense au Kazakhstan, au Kirghizistan, à
Est-ce que les Chinois vous laissent entrevoir la possibilité de créer comme partout ailleurs un local propre Alliance française ou l’avez-vous demandé ?
Oui, on a des évolutions dans ce sens. Ils ont beaucoup changé en fait. Il y a une dizaine d’années, ils ne voyaient pas très bien l’intérêt. Ce furent des initiatives assez personnelles quand s’ouvrirent des alliances ; ou bien des initiatives de l’ambassade. Nos partenaires chinois avaient autre chose à faire, ils se développaient... Aujourd’hui, comme nous disposons depuis dix ans des co-directeurs chinois dans toutes les Alliances françaises (ils ont été les intermédiaires entre leurs autorités universitaires et nous), ces derniers se sont pris au « jeu ». Je suis frappé de voir, depuis quatre ou cinq ans, l’importance de la présence chinoise à notre colloque international à Paris, même les présidents d’université qui ne parlent pas souvent français, viennent. Ils sont présidents de l’Alliance parce qu’ils sont présidents de l’université. Ils n’ont aucun tropisme francophone a priori, mais ils viennent malgré tout avec des interprètes. Ils assistent aux séances qu’ils font traduire. Les co-directeurs chinois sont très impliqués ; quand on organise des réunions, maintenant ils sont tous là, et enthousiastes ! Ils s’amusent, ils ont pris goût à ce qu’est l’Alliance française.
Je pense que c’est très important. D’ailleurs, j’avais envie de finir sur le rôle de cette structure juridique où ce sont des étrangers qui, sur place, gèrent l’Alliance et
On l’avait vu en Chine quand on s’est installé, où chacun pense quand même à son intérêt. J’en parlais avec des collègues du Goethe Institut ou du British Council qui disaient qu’ils aimeraient bien avoir une formule un peu semblable mais qu’aujourd’hui ce serait sans doute très difficile à lancer et à faire admettre. D’ailleurs les Chinois qui ont lancé l’Institut Confucius n’ont pas réussi à créer vraiment des associations de bénévoles à l’étranger pour servir la cause du chinois, c’est très difficile. Alors que l’Alliance française, c’est une si longue tradition, et que les gens connaissent... Quand je suis allé il y a trois semaines en Asie du Sud-Est, la chose m’a vraiment frappé les trois pays que j’ai visités à la suite. À Taïwan, la présidente est l’ex-ministre de
Vous avez réussi à renouveler les présidents et aussi, autre changement dans votre gouvernance, vous avez associé davantage les présidents, à Paris même, puisque dans votre conseil d’administration, je crois que vous avez la moitié de présidents étrangers.
Absolument. Un de ceux qui siègent à
Il demeure en effet une image très positive véhiculée par cette vie sociale et mondaine de l’Alliance française : c’est l’occasion en plus de se rencontrer à Paris avec les états généraux que nous organisons chaque année – c’est aussi une innovation depuis dix ans. Ces états généraux, soit à Paris, soit par région, amènent les présidents qui ne se voyaient pas forcément avant, à se retrouver tous ensemble, à passer trois jours côte à côte. Et c’est capital, des liens se créent. On a eu des moments extraordinaires à Bangkok où le président pour le Pakistan, comme il est avocat et que le droit est le même entre le Pakistan et l’Inde, a proposé au président indien de l’Alliance de l‘aider dans l’établissement des statuts et dans la résolution des problèmes juridiques qu’il pouvait avoir : alors c’était la grande réunification entre le Pakistan et l’Inde, tout le monde pleurait. Ce sont des choses qui arrivent par sympathie dans les Alliances, ce contact en dehors de toute politique. Je crois que les gens apprécient cette possibilité. C’est une sorte de Rotary avec un but culturel et linguistique, avec un attachement à un pays et sa culture en plus. Là, c’est encore plus fort. Je pense que c’est un atout considérable de l’Alliance que de créer cette communauté internationale de contacts. C’est ainsi ce que les gens après tout aiment à travers leur engagement dans une alliance française. Ils viennent à Paris pour me voir, et puis beaucoup de gens viennent à Paris parce qu’ils aiment Paris, l’Alliance est encore un prétexte pour venir à Paris.
Heureusement qu’il nous reste Paris…
Pour citer cet article :
Catherine Grenier, vous êtes conservateur au musée du Centre Georges Pompidou [depuis l’entretien Madame Grenier est devenue directrice de la Fondation Giacometti] et vous êtes l’une des principales responsables de cette remarquable présentation de l’histoire de l’art au XXe siècle [qui a donné lieu à un beau catalogue, Les modernités plurielles, Éditions du Centre Georges Pompidou, 2013] au travers d’une nouvelle sélection des œuvres possédées par le Centre Georges Pompidou. Cette présentation, qui modifie à mes yeux tout notre regard sur l’histoire du XXe siècle, fera date, et elle provoque d’ores et déjà l’enthousiasme critique.
Cette exposition déconstruit en effet le schéma classique d’interprétation de l’histoire de l’art moderne [forgé après 1945, surtout par le critique d’art américain, Clément Greenberg autour de deux principes : fidélité au medium, principe d’autonomie de l’art par rapport au social et au politique] selon lequel, depuis Manet, Monet, en passant par Cézanne, les cubistes, et puis par l’art abstrait américain des années 1940-1950, il y aurait une sorte de montée inexorable de l’art abstrait dans la peinture contemporaine. Votre exposition montre au contraire un tout autre parcours de l’histoire de l’art et réhabilite notamment les artistes non européens et non nord-américains. J’aimerais qu’on commence par évoquer ce qu’était votre intention en faisant cette présentation et en nous disant aussi pourquoi elle a été rendue possible par les (formidables) collections du musée.
Notre intention, comme l’exposition, est plurielle. Il y a plusieurs objets de réflexion qui, finalement, ont été à l’origine de ce nouvel accrochage des collections. L’un, tout simplement, c’est la réflexion sur ce qui est la fonction des musées : ne faut-il pas aujourd’hui la repenser ? On a aujourd’hui un public très large, on a une collection qui est immense de références très importantes et on a dans le Centre Pompidou deux régimes d’exposition : les expositions temporaires qui sont thématiques ou monographiques, qui ne sont pas faites à partir de nos collections ; et un très grand espace de présentation d’œuvres mais qui n’est pas vécu par le public comme une exposition, qui est plutôt vécu comme une présentation permanente, la présentation permanente des collections. Or, depuis les débuts du Centre Pompidou, cette présentation n’est pas permanente, elle est actualisée tous les dix-huit mois pour chacune de ses composantes, art moderne et art contemporain. et une présentation des collections, il faut en avoir conscience, c’est une exposition, parce qu’on choisit la façon dont on veut présenter l’histoire de l’art au travers de ces collections, puisque le fil conducteur de tous nos accrochages des collections est la chronologie, on a l’impression qu’il y a de fait une sorte d’objectivité dans cette présentation. Mais la chronologie n’est pas un garant d’objectivité, la chronologie est une thématique comme une autre, puisqu’on l’occupe d’une façon relevant d’une construction intellectuelle, d’une construction historique et d’une construction qui peut aussi être idéologique.
Donc prendre conscience du fait que le musée n’est pas là seulement pour montrer son trésor mais pour écrire une histoire de l’art et que cette histoire de l’art n’est pas figée, elle est actualisable et elle doit être actualisée très régulièrement. Actualisée en fonction à la fois des travaux des historiens qui repensent la période sur laquelle le musée travaille, en l’occurrence pour le Centre Pompidou la période moderne, et des travaux des universitaires. Pour nous, il est vrai que les travaux qui ont été conduits à la fois dans le champ théorique par les études post-coloniales, par les études culturelles, par les études visuelles et aussi par les études sur le musée, conduites depuis vingt ans un peu partout dans le monde, sont des sources de questionnement et nous invitent à complètement reconsidérer nos pratiques.
Oui, parce qu’à mes yeux, même si je ne suis pas un spécialiste, ce nouvel accrochage est quand même le plus novateur de toutes les relectures [Beaubourg avait présenté l’exposition « African Remix », en mai 2005, centrée sur les artistes africains] que vous avez pu faire ces dernières années. Cette fois-ci, il y a une ampleur de vue et quand même une façon de reconsidérer l’histoire de l’art au XXe siècle qui n’avait jamais été atteinte jusque-là dans les autres présentations.
Oui, tout à fait. C’est moi qui avais initié la première présentation thématique des collections, qui s’apparentait à une exposition, mais justement elle était thématique, elle s’appelait « Big Bang » et elle analysait aussi un point de l’histoire de l’art qui était la relation entre destruction et création dans l’art du XXe siècle.
Cette fois, on a choisi de ne pas être thématique, c'est-à-dire d’être vraiment sur un registre historique, et d’offrir une première tentative de relecture de l’histoire de l’art qui soit une relecture beaucoup plus ouverte, enrichie à la fois des artistes de tous les pays du monde et de la connaissance que nous avons développée dans les dernières années sur ces scènes artistiques qui nous étaient mal connues. Relecture enrichie aussi de diverses esthétiques que le schéma canonique avait laissées hors de la voie royale de l’accrochage des musées. Relecture qui prenait en compte aussi un certain nombre d’expressions artistiques, les artistes femmes bien sûr, les différentes périodes des différents artistes, ce n’est pas seulement les périodes inscrites dans les mouvements en « -isme »/ le cubisme, le constructivisme, etc.
Cette histoire est rendue possible par la formidable collection que recèle le Centre Pompidou, avec ce que j’ai appris, je l’avoue, une grande partie de la collection du Centre ici exposée, constituée dans l’entre-deux-guerres par l’acquisition de très nombreuses toiles d’artistes étrangers. C’était donc un « Musée des écoles étrangères » qui avait été constitué à alors, alimenté par les achats de l’État français au moment de toute une série d’expositions. Ces toiles de peintres étrangers, parfois vivant à Paris, toiles qui pour la plupart d’entre elles ont été très rarement montrées, et qui sommeillaient depuis des décennies dans les réserves, sont au cœur de cette exposition. Elles nous montrent vraiment un tout autre panorama de l’art moderne, pour l’entre-deux-guerres notamment. Donc ce musée des écoles étrangères, c’est la belle endormie de la muséographie.
C’est une des belles endormies en tout cas. En fait, cet accrochage est le fruit de plusieurs années de travail avec les équipes du Centre Pompidou, les conservateurs,
On a donc retracé l’historique de nos propres collections, et en effet le Centre Pompidou, c'est-à-dire le musée d’art moderne qui est au sein du Centre Pompidou, est issu de la fusion de deux entités, le Musée des artistes vivants [dit musée du Luxembourg] qui avait été créé au XIXe siècle pour acheter de l’art contemporain et qui était un peu l’antichambre du Louvre, dans les années 1910. Cette collection a été critiquée parce qu’elle était presque entièrement française et il a été décidé alors de créer d’abord un département qui ensuite est devenu autonome sous la forme d’un musée qui s’est appelé en effet le Musée des écoles étrangères. Ce Musée des écoles étrangères a reçu pendant vingt ans dans les locaux des galeries du Jeu de Paume plus d’une trentaine d’expositions qui étaient des expositions de scènes nationales, organisées de façon diverse par des commissaires divers, soit des sociétés d’artistes étrangers qui s’étaient fondées à Paris, soit des intervenants des pays concernés. Certaines de ces expositions nationales ont été réalisées par des musées, il y a eu une exposition qui avait été conçue par le MoMA sur l’art américain ; il y a eu une exposition sur l’art chinois dont le commissaire était un artiste chinois vivant en France. Il y avait donc des cas de figures extrêmement différents, et lors de ces expositions, l’État achetait un certain nombre d’œuvres [dont Beaubourg a donc héritées].
Ce qu’on appelait la première École de Paris [dont les représentants vivant à Paris les plus connus furent Foujita, Soutine ou Modigliani] mais que l’on réduisait d’ordinaire à quand même une dizaine de noms alors que là, on en a une vingtaine ou une trentaine.
On en a beaucoup plus, ce n’est pas seulement l’École de Paris, c'est-à-dire que bien sûr, l’État a acheté quand même en priorité des artistes qui résidaient à Paris ou qui y avaient résidé, mais pour un certain nombre d’artistes, non, c’étaient des acquisitions faites dans ces expositions d’artistes qui ne résidaient pas en France. La majorité effectivement relève de l’École de Paris et nous montre à quel point on a oublié la diversité des formes et des esthétiques qui étaient représentées dans cette école de Paris. Néanmoins, ce qu’on voit moins, c’est que ces œuvres ont été oubliées pour la plupart d’entre elles, parce que beaucoup d’entre elles relevaient des réalistes, sous des formes diverses, plus expressionnistes pour certains, réalistes plus objectives pour d’autres, réalistes art déco pour encore d’autres.
Esthétiquement, c’est le grand constat : on voit que le réalisme, dans sa grande plasticité, fut le vrai carrefour de l’art moderne au XXe siècle. Et non pas l’abstraction.
C’est en fait le courant dominant qui se développe entre les deux guerres et auquel adhérent beaucoup des artistes étrangers qui sont à ce moment-là en contact avec l’art occidental.
En ce sens, je trouve que c’est quand même un remarquable prolongement de ce qu’avait pu faire jadis Jean Clair en tentant de réhabiliter le réalisme de l’école allemande [la nouvelle objectivité] ou italienne [Carra, Severini, Chirico] et d’autres formes de réalismes [le Derain de l’après-1919, Balthus]. Mais là vous présentez aussi beaucoup d’autres peintres, notamment les artistes sud-américains qui sont très importants dans cette exposition, surtout les Brésiliens [la redécouverte de Tarsila do Amaral, de Di Cavalcanti]. On voit que c’est vraiment l’esthétique qui s’est prêtée au XXe siècle, finalement, à toutes les transformations et à toutes les interprétations.
L’exposition s’appelle « modernités plurielles » pour montrer qu’il n’y a pas une modernité mais des modernités et que chacune de ces modernités est extrêmement composite et donc plurielle à chacun des étages de constitution des grands courants modernes, et des impulsions plutôt que des courants.
J’ai écrit un texte dans le catalogue qui s’appelle « les réalismes pluriels », parce que de la même façon que la modernité était plurielle, les réalismes ont été pluriels, et en effet je m’inscris tout à fait dans la ligne de Jean Clair, en tout cas de son exposition « les réalismes » où il a fait un travail remarquable et un texte qui l’était tout autant, qui discernait bien les différents aspects, mouvances et intentionnalités des artistes qui, entre les deux guerres, se rallièrent à une expression figurative. Jean Clair discernait bien les différents courants et il montrait bien qu’incorporer tout cela sous le chapeau « retour à l’ordre » était infiniment réducteur [depuis Jean Laude et, plus récemment l’historienne de l’art Annick Lantenois, le thème du retour à la figuration dans les années 1920, interprété longtemps comme un « rappel à l’ordre » quasi politique, a perdu toute crédibilité scientifique].
Par contre, ce que ne faisait pas Jean Clair et qui a desservi sa démonstration, c’est qu’il montrait ces réalismes comme clairement distincts des avant-gardes, ce qui n’est pas totalement vrai. La scène de l’école de Paris brasse totalement les artistes les plus avant-gardistes des mouvements comme le cubisme ou le futurisme, avec des esthétiques qui sont ces esthétiques réalistes. C’est souvent le fait des mêmes artistes d’ailleurs, Picasso qui va non pas revenir au réalisme mais conduire à partir de 1915 de front une esthétique extrêmement réaliste et les suites du cubisme, ou c’est Severini qui va être futuriste et qui va ensuite adopter une écriture réaliste. Donc la distinction trop nette faite à ce moment-là entre réalisme et avant-gardisme et puis le fait que Jean Clair n’ait pas ouvert le spectre à tous les pays du monde, mais se soit concentré principalement sur l’Allemagne, la France et l’Italie, a desservi son propos. Quand on prend l’option de regarder ce qui s’est passé dans le monde, et par exemple comme nous l’avons fait là, de regarder l’Amérique latine, et de voir comment se sont développées les premières expressions modernes en Amérique latine dans un style qui effectivement est un style de réalisme de la part d’artistes qui connaissaient très bien la grammaire cubiste et qui souhaitaient la dépasser parce qu’ils avaient toute conscience d’être rentrés dans un cubisme tardif et qui n’était plus à la pointe de l’innovation, là on s’aperçoit que dans leur cas, on ne peut pas parler de retour à l’ordre, ça ne veut rien dire ! Quel ordre ? Et quels retours ? Puisqu’ils n’ont pas eu la même histoire ! Il faut donc introduire d’autres éléments de compréhension de ce mouvement qui sont des éléments d’analyse politique, intellectuelle, historique et qui permettent d’éclaircir le terrain pour y réintroduire cette diversité des interprétations qui autorisent à réintégrer dans la grande aventure moderne des artistes qui en avaient été exclus. Il faut bien penser qu’il y a vingt-cinq ans encore, Frida Kahlo en France n’était pas jugée digne des cimaises des grands musées. Jean-Hubert Martin raconte une histoire très jolie : un des conservateurs du musée avait retrouvé sur une étagère de la réserve la plus éloignée des collections du Centre Pompidou des œuvres oubliées, jugées peu intéressantes, une petite œuvre de Frida Kahlo sous des couches de poussière...
Cette oeuvre avait été achetée par le musée ?
Elle avait été achetée au moment du Musée des écoles étrangères par l’État, pas dans une des expositions faites au Jeu de Paume, l’État a acheté aussi dans certains salons et dans quelques expositions particulières d’artistes, cela a été le cas pour Frida Kahlo qui a fait une exposition dans une galerie et l’État a acheté cette œuvre.
Selon Jean-Hubert Martin, le conservateur qui avait retrouvé le tableau acquis par
C’est un rappel pour signaler que ce mouvement de révision est déjà entrepris depuis un certain temps. Cela fait déjà longtemps que Frida Kahlo a droit aux cimaises, mais Tarsila do Amaral par exemple est quelqu’un de totalement inconnu en France alors que c’est une grande artiste brésilienne, c’est une grande icône.
On s’inscrit donc dans une mouvance, mais on donne un très gros coup d’accélérateur, et surtout je pense qu’on permet aux jeunes chercheurs, aux jeunes conservateurs de s’emparer et de créer de nouveaux outils qui sont plus à même d’écrire cette histoire de l’art élargie et enrichie.
Que va devenir cette présentation ? Allez-vous la maintenir puisque vous êtes dans un schéma d’exposition qui se renouvelle ? Vous allez peut-être aussi en exporter soit le concept soit prêter des œuvres pour que d’autres musées dans le monde fasse une présentation similaire. Comment voyez-vous sur le plan intellectuel et muséographique la destinée de cette présentation ? En quoi pourra-t-elle faire date et marquer d’autres musées ?
Je pense qu’elle prend date dans l’histoire et qu’il n’y aura pas de retour.
C'est-à-dire qu'on ne verra plus l'ancienne présentation ?
Très clairement, on ne verra plus l’ancienne présentation, cette façon de considérer une histoire élargie et enrichie va être adoptée par tous les musées du monde. Nous sommes pionniers parce que nous avons la collection qui permet de le faire. Elle est lacunaire, on en a tous conscience.
On aurait pu citer
Oui, on a la chance d’avoir eu
Mais je pense vraiment que
Cela suppose peut-être que pour faire ce type de présentation, si on n’a pas les collections qui vous le permettent, on peut avoir des prêts d’autres musées ? Ou alors il faut acheter désormais davantage d’œuvres d’artistes qui appartiennent à ces mondes pas forcément occidentaux ?
Bien entendu qu’il faut acquérir, mais il ne faut pas seulement acquérir de l’art occidental parce que ce que montre aussi cet accrochage c’est qu’on a reconsidéré notre propre histoire. C’est ce que nous montre l’herméneutique, c'est-à-dire qu’on regarde l’objet extérieur et cela vous incite à vous réexaminer à la lumière d’un schéma d’interprétation nouveau. On réévalue aussi beaucoup d’artistes français dans cet accrochage, certains artistes allemands, on réévalue, trop peu parce que notre collection est beaucoup trop faible, les artistes américains de la première moitié du XXe siècle. Donc il n’y a pas que les pays non occidentaux qui sont réévalués.
Vous pourriez rappeler les noms des artistes français ou allemands ?
Particulièrement pour les artistes français, on a fait un focus sur un seul artiste, le peintre originaire d’Algérie, Henry Valensi. C’est un focus pour montrer un exemple, il aurait pu y en avoir bien d’autres. De la même façon, on réévalue un artiste comme Ossorio qui est d’origine philippine mais qui a construit sa carrière aux États-Unis, qui est un artiste tout à fait singulier, qui était connu. La plupart de ces artistes étaient connus, on les a oubliés, occultés ou minimisés.
On redonne place à l’art naïf par exemple, mais ce n’est pas une découverte, quand le musée a ouvert en 1947, une très grande place était faite à l’art naïf et puis ces artistes, qui pourtant étaient considérés à la fois par les expressionnistes allemands, par les cubistes, par les surréalistes, ont progressivement cependant disparu des cimaises.
C’est un travail qui n’est pas seulement d’aller regarder l’art des scènes mal connues, mais aussi de regarder autrement nos propres scènes.
On voit que dans cet accrochage, renouant avec une approche interdisciplinaire des grandes expositions de Beaubourg, toute la place donnée aux débuts de l’ethnologie scientifique dans l’entre-deux-guerres et l’interrogation sur les arts africains via l’une des salles consacrées à Michel Leiris et à
Oui et par rapport à nos situations propres, c'est-à-dire à Paris, reconsidérer les artistes qui ont vécu à Paris [on a peine à prendre réellement conscience du cosmopolitisme parisien dans l’entre-deux-guerres ; la seule colonie artistique hongroise a compté 300 personnes], qui sont des grandes figures et qu’on a oubliées, des grandes figures françaises mais aussi étrangères, des artistes venus d’Afrique du Sud, jugés pionniers, ayant maintenant une grande reconnaissance et dont les musées français ne possèdent quasiment aucune œuvre, nous en montrons une qui appartient à un Frac. Donc, cela est très important. Réévaluer les artistes chinois qui ont vécu en France, comme Pan Yuliang qui était une femme artiste très importante, extrêmement intéressante, dont par chance nous avons quelques œuvres entre nous et le Frac, mais qui est parfaitement inconnue. Donc c’est aussi important parce que c’est notre propre histoire qu’on est en train de faire réemerger. On ne peut pas imaginer que demain, pour reprendre votre question initiale, on va remettre tout cela dans un placard et se dire « on les a montrés mais maintenant revenons aux choses sérieuses ».
Mais il vous faudra un autre lieu d’exposition ?
Il faudra actualiser cette accrochage des collections, développer la collection elle-même pour pouvoir créer d’autres unités.
On a beaucoup insisté sur le Brésil et l’Argentine, ce serait très important de pouvoir montrer l’art mexicain, on a pratiquement rien dans la collection, sans doute faudra-t-il faire des acquisitions. Montrer l’Inde, on n’a rien dans la collection, sans doute faudra-t-il faire des acquisitions. On a commencé avec l’architecture et cela permet d’avoir cette salle absolument magnifique de Raj Rewal qui est un grand architecte indien qui nous a fait un don tout à fait fantastique, mais du fait de ce travail parce qu’Aurélien Lemonier, le conservateur pour l’architecture qui a travaillé dans notre équipe, a fait un travail de fond et de terrain, a rencontré l’artiste, ainsi que d’autres architectes, a obtenu ce don. Il est très clair que les maquettes et les dessins de Raj Rewal réapparaîtront d’une façon régulière sur nos cimaises.
Je pense donc qu’il ne faut pas penser, contrairement aux expositions telles que j’ai pu en faire moi-même avec « Big Bang », qui était une proposition et puis qui n’était pas amenée à se renouveler, en tout cas pas sur cette forme, là ce n’est pas une proposition thématique, c’est une histoire, cette histoire va être complétée, enrichie, contestée peut-être, mais elle ne peut plus être occultée totalement.
Les conservateurs de
Voilà, c’est un mouvement général, on travaille très en harmonie avec les autres musées. On est très en contact avec le MoMA, où il y a quelqu’un comme Katia Brecht qui mène le même type de travail que moi avec ses équipes, ils avancent très vite, avec bien sûr
Donc peut-être que, dans vingt ans, on révisera cela, on se dira « oh la la, les musées à ce moment-là se sont tous toqués d’un certain nombre d’artistes et certains n’étaient pas très intéressants ».
On aurait alors une nouvelle uniformisation dans les vingt ans à venir ? Tout le monde va-t-il faire comme a fait Beaubourg au début des années 2010 ?!
Je le pense, mais cela ne devrait pas, et cela dépend des musées, il faut qu’ils soient très attentifs à leur projet intellectuel. Pour moi le projet intellectuel particulier de chaque musée est très important, il ne devrait pas conduire à une nouvelle histoire unifiée, puisque quand même les bases, c’est de dire : « Attention, on ne déconstruit pas un monument pour en créer un autre, on déconstruit un monument pour montrer qu’à partir des pierres de ce monument et d’autres, on peut composer différentes types de structures et que celles-ci pourront à nouveau se développer au fur et à mesure que la pensée avance. »
Donc je crois que le fait qu’on soit en prise avec l’université est important parce que je pense que c’est un schéma qui pour nous est conducteur, la façon dont les historiens notamment remettent toujours l’ouvrage sur la table pour réécrire, pour faire de la microhistoire, c’est plutôt de ce modèle que l’on s’inspire.
C’est sur ce bel éloge des historiens que nous allons clore l’entretien.
Pour citer cet article :
Histoire@Politique. Politique, Culture, Société vous propose dans le cadre des Rendez-Vous de l'Hisitoire à Blois une carte blanche, le samedi 12 octobre 2013 (14h-15h30, lieu : IUFM, salle 23) sur le thème :
Avec Vincent Duclert, Jean-François Sirinelli et Sabine Jansen.
Carte Blanche avec
La loi dite Boyer, du nom de la députée qui a déposé la proposition de loi, a créé d’intenses débats politiques et diplomatiques,
Au-delà des avatars de cette loi, rejetée par le Conseil Constitutionnel, le 28 février 2012, le texte pénalisant la contestation du génocide arménien repose, plus largement, la question des « lois mémorielles » : portent-elles atteintes à la liberté de l’historien ou, au contraire, ne sont-elles pas un garde-fou indispensable, contribuant à la validation et à la diffusion d’un savoir historique que certains s’acharnent à nier ?
Alors que le développement d’Internet offre une tribune à toutes les opinions, y compris les plus mensongères, comment protéger et promouvoir les acquis de la science historique ?
Face aux mémoires concurrentes dont la démocratie reconnaît et garantit l’expression, et au travail des historiens qui requiert temps et liberté, il faut s’interroger sur l’exacte place de la loi.
Les Rendez-Vous de l'Histoire, Blois, samedi 12 octobre 2013, 14h-15h30, lieu : IUFM, salle 23.
Dans le cadre des "Rendez-Vous de l'Histoire" qui se déroulent chaque année à Blois, la revue Histoire@Politique. Politique, culture, société proposera un débat sur la place des revues numériques dans la production du savoir historique.
Rendez-vous, donc, le dimanche 21 octobre, de 14h00 à 15h30 (salle des délibérations, Conseil général) :
"PAPIER ET/OU NUMERIQUE : QUEL AVENIR POUR LES REVUES D'HISTOIRE ?".
Débat proposé par le Centre d'histoire de Sciences Po et la revue Histoire@Politique avec :
L’écroulement le 6 novembre 2010 au matin de la Schola armaturarum juventis pompeiani (dite « Maison du Gladiateur ») a suscité de nombreuses réactions, tant dans la communauté scientifique italienne que dans l’ensemble de
Sources et copyrights :
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Les explications d'Audrey Bertrand
L’écroulement le 6 novembre 2010 au matin de la Schola armaturarum juventis pompeiani (dite « Maison du Gladiateur ») a suscité de nombreuses réactions, tant dans la communauté scientifique italienne que dans l’ensemble de